Le postulat de départ (deux 
            jeunes femmes vivant en banlieue ne rêvent que d’intégrer 
            les fêtes parisiennes…) avait tous les éléments 
            pour faire craindre le pire. On pouvait se retrouver face à 
            une comédie bien lourde et sans base sociale réelle, 
            comme les nanars pas si sympathiques que ça de Fabien Onteniente 
            ("Jet set" démarrait sur à peu près 
            les mêmes bases). Le scénario attendu allait déboucher 
            sur une fin politiquement et socialement très correcte : les 
            deux jeunes femmes, après avoir flirté avec les hautes 
            sphères grâce à leur bagout et leurs personnalités 
            forcément séduisantes (à vrai dire, pas que leurs 
            personnalités…), reviendraient dans leur banlieue déçues 
            par les rencontres hors de leur classe sociale, et trouveraient que 
            finalement, malgré les ascenseurs en panne et les bus qui brûlent, 
            la convivialité des cités est beaucoup plus chaleureuse 
            que les rapports mondains et superficiels en talons hauts et lignes 
            de coke…
            Il ne faudrait pas suivre ses a priori, mais bien au contraire se 
            permettre de découvrir par soi-même… 
            Le film, même s’il cède à quelques facilités, 
            se révèle bien plus profond que tout ce qu’on 
            pouvait en attendre. De la comédie, il y en a, mais elle tient 
            beaucoup sur les joutes verbales et les caractères explosifs 
            des personnages, c’est drôle sans jamais être vulgaire, 
            avec pas mal de tendresse pour tous ces êtres qui se débrouillent 
            comme ils peuvent avec la vie. Le rapport entre les classes sociales, 
            loin de la caricature, pointe quelques vérités, analyse 
            avec finesse et sans insistance une grande partie des ambiguïtés 
            propres aux mensonges (y compris ceux que l’on se fait à 
            soi-même) échangés entre des personnes si éloignées 
            en apparence les unes des autres, et au fond pas si différentes… 
            L’épilogue a l’intelligence d’éviter 
            une morale sociale trop évidente pour être vraie (et 
            trop confortable pour être bousculée), ainsi qu’une 
            réconciliation générale qui aurait été 
            totalement improbable. 
            La sincérité de l’entreprise et l’investissement 
            des acteurs (et des actrices, belles, drôles, émouvantes, 
            y compris l’inénarrable Audrey Lamy) expliquent peut-être 
            le succès du film, qui se fabrique, tout seul, sans promotion 
            indécente, une jolie carrière.