C’est un film où le
méchant n’est jamais montré. Berlusconi est très
loin, et pour tous ces personnages de bobos écolos buveurs
de vin sans soucis de fins de mois, il ne fait de mal à personne.
Il faut donc chercher du côté des absents et des morts
des raisons de s’intéresser au récit. Le fantôme
a des allures de fiancée idéale, blonde, éthérée,
sans piquant. Le deuil en cours du héros est très virtuel,
on ne sent rien. Il regarde des photos, en parle avec quelques trémolos,
va voir ses parents en montrant qu’il a de l’émotion,
mais on ne sent toujours rien. Chou blanc sur ce plan-là aussi,
alors.
Et du côté de l’absente ? C’est à
dire celle qui pourrait remplacer la morte dans le cœur du veuf
? On la voit venir de loin, lorsque Anouk Aimé dit qu’il
y a pire que les fantômes, ce sont les absents… Et lorsque
enfin elle arrive, on sent quelque chose qui s’apparente à
de l’émotion, on va même jusqu’à verser
sa petite larme lors de la scène finale. Mais avant…
Avant, si ce n’est pas de l’ennui, ça y ressemble.
On voit Alessandro (le héros) avec sa fille et sa petite crise
d’adolescence, ses amis et la maison achetée avec eux,
ses élèves au travers des cours formidables qu’il
donne, son solex qui ressemble à la Vespa de Nanni Moretti
, sa chorale qui est en fait le formidable ensemble de Christina Pluhar,
"l’Arpeggiata", mais on voit bien qu’ils chantent
en play-back, sa bonté naturelle qui le pousse à faire
la lecture dans les hôpitaux et bien sûr il y rencontre
des gens formidables… on peut continuer ou s’arrêter
là, tout ça est gentil, très gentil, mais y a-t-il
de la matière pour un film ? Peut-être et même
sûrement, encore faudrait-il qu’il y ait un réalisateur
derrière la caméra. Philippe Claudel n’a pas une
seule idée de mise en scène, il se contente d’enfiler
les clichés, de mettre bout à bout les différentes
étapes d’un récit mollasson, sans pouvoir diriger
correctement (ou tout simplement choisir) quelques seconds rôles
qui récitent leur texte de façon affligeante.
Il y a tout de même un personnage qui sauve quelques scènes,
celui du frère anarchiste. Lui est drôle, répétitif
mais drôle. En peignoir d’un bout à l’autre
du film, cuisinant, peignant, râlant, il m’a même
piqué un tee-shirt, celui où l’on voit des fourmis
emportant un téléphone portable (j’ai le même,
pile-poil… mais on s’égare, là).
Allez, Monsieur Claudel, continuez à écrire des bouquins,
"le rapport de Brodeck", "les Ames grises", c’était
bien. Vraiment.