Lorsqu’à la toute
fin, résonnent les dernières notes de la sonate au clair
de lune, de Debussy, le silence qui suit en est encore rempli.
On prend conscience d’avoir assisté à l’un
de ces films qui marquent durablement, par son mystère, par
ses images au charme étrange, faussement banales, hypnotiques
et pourtant sans effets.
Le récit est celui de la lente et inexorable implosion d’une
cellule familiale, atteinte par la crise économique, par l’érosion
des valeurs traditionnelles, par les mensonges qui permettraient de
sauvegarder les apparences… Le tout donnant une impression de
froideur absolue dans les rapports humains.
Entre petits riens au sens lourd et évolutions de fond ne servant
que de décors, le regard de Kiyoshi Kurosawa sur cette déconstruction
est fascinant, on a parfois l’impression d’assister à
l’un de ces jeux où il faut enlever un à un les
éléments constituant une pyramide en équilibre,
et se terminant par l’écroulement soudain de l’ensemble.
Il est alors regrettable que deux épisodes de l’histoire
virent au grand n’importe quoi, et viennent porter un sérieux
coup à ce qui aurait pu être un chef d’œuvre
: l’engagement du fils aîné dans l’armée
américaine est absurde, il n’y avait pas besoin de cela
pour faire sentir toute l’ambiguïté des rapports
entre le Japon et les Etats-Unis. De même, l’irruption
dans l’histoire d’un cambrioleur malchanceux et complètement
allumé prête plus à sourire qu’à
autre chose, on peut même penser qu’il n’est que
le fruit de l’imagination d’un des personnages…
Heureusement, tout ce qui concerne le fils cadet est beaucoup plus
juste, son évolution permet au récit de se raccrocher
au réel, sans pour autant sacrifier sa part d’étrangeté.