La structure du récit, quoique
assez classique, est plutôt intéressante et permet de
découvrir les personnages sous leurs multiples facettes. C’est
un polar à double détente : première déflagration,
au cœur d’une cité de banlieue, avec un enchaînement
de faits, dramatique et fatal, suivi d’une longue période
où chacun reprend ses esprits, ou perd son équilibre,
montrant ses valeurs, ses convictions, ses espérances, ses
doutes, ses renoncements, ses deuils… C’est aussi l’occasion
de poser les bases du deuxième déchaînement de
violence, inévitable, tragique. Et c’est lorsque celui-ci
arrive que quelque chose coince, se fissure et finit par faire s’écrouler
toute la construction patiemment élaborée. Des ellipses
malvenues, des flous rédhibitoires qui empêchent la compréhension
(qui est mort, qui ne l’est pas…) sont probablement à
l’origine de ce dérèglement. Jusque là
plutôt classique, clair et linéaire, le récit
perd une grande partie de sa lisibilité. Est-ce volontaire
(on ne comprendrait pas vraiment pourquoi), ou bien juste une accumulation
d’erreurs de mise en scène et de montage ? En tout état
de cause, cela plombe la fin et par là-même, le film
entier qui avait tout de même pas mal de qualités : interprétation
juste et inspirée, beau contraste entre la nervosité
des scènes d’action et l’intimité des instants
plus doux, bonne utilisation des décors de la banlieue, ni
angélique, ni misérabiliste.
Pascal Elbé, acteur devenu réalisateur pour cette œuvre,
n’apporte pas grand-chose de nouveau dans la paysage du cinéma
hexagonal mais il montre qu’il est capable de s’inscrire
dans la tradition classique de la "qualité française".