Argh. Quand un ami de plus
de quarante ans avec qui vous partagez des millions de valeurs vous
conseille un film, et que celui-ci vous déplait au plus haut
point, c'est surprenant ! Mais bon, c'est la vie, il n'avait pas
aimé, mais alors pas aimé du tout "Le Nouveau
Monde" ! ;-)
Et plus j'y repense, plus je trouve ce Testament affreux, puant,
misogyne, d'une mauvaise foi effarante. Je m'explique…
Soit un homme, vieux mais pas tant, qui a choisi de passer la fin
de sa vie dans une maison de retraite. Celle-ci est luxueuse, et
si elle est représentative des maisons de retraite québécoises,
je veux bien m'exiler. Tenue fermement mais avec douceur par une
femme en apparence légèrement revêche. L'homme
est un peu aigri, critique sur le monde moderne, il n'aime pas grand-chose
mais reste poli avec tous, juste un peu ironique. On aimerait l'aimer.
On l'aime, d'ailleurs. Il est assez sympathique, cet ours pas si
grognon que ça. Il vit sa petite vie et ne gêne personne.
Le point de départ de l'histoire à proprement dite,
c'est une association de militants qui vient protester contre une
peinture ancienne présente dans la maison de retraite qui
symbolise la conquête de l'Amérique : Jacques Cartier
en uniforme flamboyant saluant une poignée d'Indiens à
moitié nus. Représentation offensante pour les "premières
nations", d'après ces militants. A partir de là,
Denys Arcand tisse un récit sans ambiguïté montrant
tout ce qui l'agace dans le monde moderne : la Cancel Culture, le
féminisme, le militantisme de tous bords, les transgenres,
les emballements médiatiques, la société du
paraître, les belles paroles qui permettent de justifier tout
et n'importe quoi… Certains de ses agacements sont partagés
par un grand nombre, d'autres pas, et il n'est pas du tout politiquement
correct de se moquer des féministes ou des transgenres, pour
ne citer qu'eux (ou qu'elles). La moquerie, la satire, l'ironie
sans bienveillance, ça peut être tout à fait
réjouissant. Sauf qu'ici, c'est d'une lourdeur affligeante,
sans aucune subtilité. Les féministes sont toutes
grosses et se comportent très mal, la transgenre est épouvantable,
les militants sont bêtes à bouffer du foin, les journalistes
n'y comprennent rien et cherchent le sensationnel, les femmes politiques
(très peu d'hommes, comme c'est étrange, à
part un secrétaire homosexuel tout droit sorti de la cage
aux folles) piétinent la vérité pour se faire
bien voir… Et en face, Jean-Michel, l'homme de la maison de
la retraite, se rapproche de la Directrice et tous deux regardent
tout cela avec un effarement poli et une condescendance extrêmement
facile, au vu de tout le ridicule exposé. Et pour bien montrer
que ce sont eux les gentils et tous les autres des méchants
et méchantes (plus de méchantes que de méchants),
il fabrique une comédie romantique dégoulinante de
bons sentiments, avec retour d'une fille prodigue et attendrissement
autour d'un bébé. Imparable pour s'attirer les sympathies.
Nous avons en France un peu le même schéma dans les
films de Dupontel. Sauf que ceux-ci sont des farces et ne cherchent
pas le vraisemblable. Ils sont outrés et drôles, on
est dans le registre de la comédie pure et tout passe (ou
presque). Ici, dans ce testament, c'est outré aussi, bien
sûr, mais on est loin de la farce, Arcand se pose en donneur
de leçons et présente les choses comme le ferait n'importe
quel abruti d'extrême droite : les militants ? tous des bourgeois
qui n'y connaissent rien et défendent des causes comme ils
enfileraient des perles ; les féministes ? toutes des moches
qui ne parlent que menstrues et écriture inclusive ; l'investigation
journalistique ? du vent qui brille et c'est tout… on pourrait
continuer ainsi, ce n'est pas un testament, c'est une énumération
misogyne, raciste, anti-jeune, réactionnaire. Dans tout cela,
il y a bien quelques sources d'agacement compréhensibles,
oui, la Cancel Culture est une vaste imbécillité,
oui il existe un militantisme au ras du bitume, oui quelques féministes
sont très lourdes, mais l'outrance du film en fait des généralités
nauséabondes. A vomir.