Tesnota - une vie à l’étroit **

Kantemir Balagov

L'histoire

1998, Nalchik, Nord Caucase, Russie. Ilana, 24 ans, travaille dans le garage de son père pour l'aider à joindre les deux bouts. Un soir, la famille et les amis se réunissent pour célébrer les fiançailles de son jeune frère David. Dans la nuit, David et sa fiancée sont kidnappés et une rançon réclamée.

Avec

Darya Zhovner, Veniamin Kats, Olga Dragunova, Atrem Tsypin, Nazir Zhukov

Sorti

le 7 mars 2018


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Carrément fort

 

Kantemir Balagov, le réalisateur, n'a que 21 ans, et son cinéma a déjà un sacré caractère. Un Xavier Dolan russe ? Ses choix formels sont extrêmement forts, les couleurs et les éclairages donnent tout le long du film une ambiance à la fois sombre et lumineuse, parfois à la limite d'un certain onirisme et pourtant très réel. L'univers sonore est aussi très travaillé, jouant avec des contrastes, des mises en avant, comme dans une scène terrible où l'un des personnages manipule et froisse une enveloppe, tout le reste est suspendu, on n'entend plus que le craquement du papier, et l'on ressent toute l'hésitation du personnage, le poids de ce qu'il est en train de faire, toutes ses pensées sont dans ce bruit… Le cadre enfin, resserré au maximum, avec un format que l'on dit carré (en réalité, du 4 sur 3) et qui trouve tout son sens dans ce que le film raconte, l'étroitesse des vies, le besoin de liberté. Il en résulte une image dense, chaude, très étudiée, étouffante le plus souvent, faisant alterner gros plans (oh, les grains de peau… une vraie merveille) et plans (presque) larges et qui montrent des intérieurs surchargés, où chacun peine à respirer, à trouver sa place. Cela pourrait être insupportable, irrespirable pour le spectateur, et sans doute certains en sont incommodés, mais il est aussi possible d'être fasciné, hypnotisé par cette science de l'image et du cadrage. Cet aspect formel hautement singulier n'a rien de gratuit, tout fait sens, le sonore et le visuel… L'interprète principale, Darya Zhovner, a aussi quelque chose de très singulier, elle pourrait être n'importe qui, une femme croisée dans la rue à qui on ne fait pas attention, un peu masculine, mal fagotée. Et puis au détour d'une photo, sous une lumière rasante, elle prend un tout autre visage, c'est une madone, une piéta, un Goya. Elle donne à voir un personnage de femme éprise de liberté sans tout à fait le savoir, défiant la "tribu", amoureuse d'un ours, ne créant pas d'empathie mais portant beaucoup d'ambiguïtés, féminine sans atours, rude avec douceur, ironique et sincère…
L'histoire racontée est multiple, c'est celle d'un enlèvement, d'un sacrifice, d'un honneur familial bafoué, d'un amour impossible, d'un enfermement maternel, et tant d'autres choses encore, qui ne sont pas toutes dites ou justes murmurées, et qui tiennent du symbole, de la suggestion, de l'inconscient… Le récit est parfois lacunaire, parfois légèrement flou, pouvant laisser le spectateur dans l'incompréhension mais qu'importe, c'est un premier film, avec ses faiblesses aussi, ses déchirures, ses coups de griffes et ses coups de mou. Il ne prend que peu de place sur l'écran, mais c'est un grand film.

Et merci au Quinquin de Paname pour le beau (et bon !) conseil...

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