On reproche parfois à
des œuvres de fiction, films ou livres, de juger les personnages,
de définir les bons ou les méchants, de manquer de
nuances dans la façon de les présenter. Ici, rien
de cela, les faits, et seulement les faits définissent les
protagonistes, le père, la mère, la fille adolescente,
la petite fille, l'ami du père... Mais ni la caméra
furieusement mobile, ni le montage électrique, ni la mise
en scène naturaliste, ni le jeu des acteurs très spontané,
ne permettent de percevoir un quelconque point de vue de la réalisatrice.
Le père se comporte mal, très mal. Il est irresponsable,
met en danger sa fille et la laisse se débattre comme elle
peut dans des situations plus que critiques mais comme il écrit
des poèmes très doux, il semble tout excusé
dans un récit qui frise la complaisance. Ce ne sont pas les
faits qui choquent, c'est la façon de les présenter.
Il n'y a pas de dénonciation, même pas de cynisme,
pas de position de recul, sauf peut-être lors de la première
scène, où l'on parvient à comprendre beaucoup
de choses alors qu'il y a très peu d'échanges de mots
et où l'on peut saisir un sentiment de dégoût
de la part de l'adolescente et un désir de s'extraire de
ce qui est en train de se passer. Mais par la suite, la réalisatrice
plonge le spectateur au plus près des scènes, de plus
en plus crues, sans que son langage cinématographique n'exprime
quoi que ce soit. Elle montre, mais où est son cinéma
? Où est sa capacité à faire autre chose de
ses images qu'un enchevêtrement chaotique d'évènements
sordides ou doux ? Une scène résume parfaitement cette
absence de choix : le père est dehors avec sa fille, il demande
à des musiciens de rue de venir jouer pour eux, et dans le
même temps, il y a une altercation violente entre deux bandes
rivales. Les musiciens veulent s'arrêter de jouer, le père
leur demande de continuer, de faire comme s'il ne se passait rien.
La mise en scène du film fait un peu comme le père,
elle installe le spectateur dans une situation malaisée,
il doit continuer à jouer son rôle de voyeur, et à
faire comme si la douceur pouvait masquer la violence.