Il y a très
longtemps, dans un film d'Agnès Varda, on suivait Cléo
(de 5 à 7), tout un après-midi dans Paris. On partageait
son errance, son désoeuvrement, ses hésitations, son
inquiétude, ses retours en arrière, ses rencontres.
On ne la quittait jamais…
Ici, dans ce temps de l'aventure, un temps distendu mais aussi compté,
c'est Alix que l'on suit, actrice comme Cléo était chanteuse,
jouée par une comédienne formidable, magnifique, émouvante,
crédible dans tous les rôles qu'elle interprète,
Emmanuelle Devos. Jérôme Bonnell a écrit le film
pour elle, et cela se sent, elle est Alix, pleinement.
A quoi tient l'émotion qui se dégage de ce portrait
de femme, cueillie dans la ferveur d'une "brève rencontre"
? L'histoire n'a pas beaucoup d'originalité, c'est le récit
maintes fois conté d'une liaison entre deux inconnus l'un pour
l'autre, l'espace d'une journée, dans un Paris renouvelé,
comme sous les ailes de la grâce… L'homme avec ses mystères,
joué avec une belle opacité par Gabriel Byrne, n'apporte
pas non plus d'aspects inédits dans ce type de romance. Au
bout du compte, c'est probablement l'osmose entre le réalisateur-scénariste
et l'actrice qui installe cette ambiance si particulière, cette
proximité, l'impression étrange et délicieuse
de connaître cette femme et de la trouver magnifique, avec ses
rides, ses cernes sous les yeux, ses rondeurs, sa féminité
débridée… une anti-star aux allures de star.
Les émotions les plus profondes ne viennent pas ici de l'histoire
d'amour et de désir qu'elle vit avec un homme croisé
par hasard, mais de tout ce qu'il y a autour, les raisons pour les
quelles elle se permet de vivre cette relation qui ne sont pas explicites
mais que l'on peut deviner, les doutes, les hésitations, les
changements de décisions qui viennent rythmer son "aventure".
C'est un drôle de beau film, plus beau que drôle, mais
pas exempt d'ironie à l'image de son interprète principale,
un peu mélancolique, mais animée d'une énergie
désespérément humaine.