Tout le monde se souvient du
point de départ de l'excellent film de Chatiliez, "la
vie n'est pas un long fleuve tranquille", l'échange
des nouveaux nés à la maternité, quelques années
plus tard la révélation aux deux familles socialement
opposées, l'humour très grinçant qui en découlait…
Dans ce film japonais, si l'amorce est très proche de la
comédie française, le traitement en est complètement
différent. Même si quelques scènes font sourire,
il ne s'agit absolument pas d'une farce. Le scénario peut
faire croire à un moment qu'il n'est qu'une manière
intelligente de parler d'un sujet finalement assez théorique
(un échange de bébés, c'est plutôt rare,
non ?), et puis, d'abord par petites touches et ensuite plus largement,
le vrai sujet se révèle, c'est bien de la paternité
dont il est question. Comment peut-on concilier son activité
professionnelle et son rôle de père, quel est le bon
équilibre entre autorité et bienveillance, qu'est-ce
que peut attendre un père de son enfant, est-il d'ailleurs
en droit d'attendre quelque chose, qu'est-ce que le lien du sang
et dans notre monde actuel a-t-il encore une valeur quelconque…?
Au travers de ce questionnement centré sur la paternité,
c'est aussi toute la famille, l'éducation des enfants, les
liens parentaux qui sont mis en lumière, les deux mères
n'étant pas mises à l'écart dans l'histoire.
Le Japon, même si on n'y a jamais mis les pieds, apparaît
comme une société tiraillée entre des valeurs
ancestrales et familiales d'une part et une ultra modernité
d'autre part, toutes ces questions s'y posent avec une acuité
sans doute encore plus importante qu'en occident.
Le film a le double mérite de ne pas donner de réponses
toutes faites et de ne pas non plus renvoyer les deux familles dos
à dos. Même si l'une représente clairement l'amour
et la bienveillance avec un côté foutraque, l'autre
ayant pour valeurs l'exigence, l'autonomie et la réussite
(au risque de la caricature), le réalisateur parvient à
ne pas nous faire adorer l'une et détester l'autre, et le
choix final (ou au moins l'amorce d'un choix) vient avec l'évolution
d'un des personnages, traitée plutôt finement.
Les deux enfants sont formidables, complètement différents,
avec des regards vraiment naturels. Un beau moment, intelligent
et plein d'émotion.