Récit choral au féminin
pluriel, ce film d’animation signé par un réalisateur
iranien installé en Allemagne est un constat terrible sur
la condition des femmes dans une société dominée
par les hommes et par la religion. Ce qui est montré n’est
absolument pas simpliste, il n’y a pas d’un côté
les affreux intégristes détenteurs d’un pouvoir
basé sur un dogme et d’un autre côté des
victimes expiatoires de cet ordre établi. La réalité
est bien plus complexe, les habitants de la ville de Téhéran
sont avant tout des hommes et des femmes mus par leurs envies, leurs
désirs, leurs pulsions. Bien sûr les hommes ont bien
plus de droits que les femmes, bien sûr celles-ci souffrent
du carcan imposé pas seulement par un Islam tout puissant,
mais aussi par des traditions très anciennes, des tabous
immuables. Bien sûr tout cela est présent, mais certaines
femmes gagnent une part de liberté, certains hommes refusent
de respecter un schéma unique. Et puis l’accès
à la culture occidentale, de plus en plus facile avec internet,
finit par créer des failles dans cette organisation sociale
et morale… On imagine que si le réalisateur avait voulu
tourner ce scénario-là à Téhéran
même, il aurait rencontré des obstacles insurmontables,
une censure draconienne. En choisissant un procédé
mixte (prises de vues réelles transformées en images
d’animation), il peut s’affranchir de ces contraintes,
filmer ses acteurs en studio puis les intégrer dans des décors
dessinés, tout en donnant à l’ensemble du film
une touche artistique très originale. Cela permet aussi de
créer une distance, sans doute indispensable pour le spectateur
pour supporter les situations vécues par les personnages.
Au final, c’est une œuvre marquante, éprouvante
et qui rend compte sans doute bien mieux que n’importe quel
discours de l’oppression subie par les femmes. Elle questionne
aussi sur notre propre société, occidentale, prétendument
libre et égalitaire…