Elle est étrange, cette
légèreté…
Le chauffeur de taxi n'est pas vraiment chauffeur de taxi, mais
pas acteur non plus, de même que ses "clients" ne
sont ni des clients, ni des acteurs. Tourné avec des moyens
dérisoires, des petites caméras embarquées
dans une voiture maquillée en taxi, en plein Téhéran,
c'est un film comme on n'a jamais fait, et qu'on ne fera sans doute
jamais plus. C'est un pied de nez à la censure, une élégante
et très ironique façon, pour un réalisateur
interdit de travailler, de contourner tous les empêchements,
d'esquiver avec humour les dictats de ceux qui sont au pouvoir.
Sans générique, ni au début, ni à la
fin (Jafar Panahi explique pourquoi, en guise d'épilogue),
c'est un mini panoramique de la société iranienne
actuelle, juste en montrant une poignée d'hommes et de femmes
qui font comme s'ils étaient des personnages (il y a un jeu
très subtil entre eux qui laisse planer le doute : personnages
de la vie réelle, ou fictifs ?) représentatifs de
la population d'une ville qui au bout du compte (du conte), fait
plus penser à une Persepolis intemporelle qu'à une
capitale moderne.
Et tous ces gens laissent penser que dans cette ville, bien réelle,
on est soit opprimé, soit voleur, et parfois un peu les deux.
Ce ne pourrait être que léger, parfois drôle…
mais l'ironie prend souvent un goût amer, lorsqu'il est question
de privation des libertés, d'aberrants interdits, mais aussi
de la torture et de la peine de mort. Le film porte un regard parfois
fataliste, et décrit cela avec une sagesse persane qui peut
laisser le spectateur avec une drôle d'impression : Shah ou
Ayatollah, ce pays peut-il vivre sous un régime qui prônerait
la liberté de chacun ?
Ce n'est certainement pas au banal et occidental consommateur de
films d'apporter une réponse à cette question.
Au final, ce drôle de taxi trouve l'essentiel de sa valeur
dans son existence même bien plus que dans ses qualités
cinématographiques. La forme du récit peut lasser
et aller jusqu'à un certain ennui. En revanche on ne peut
que saluer le courage de Panahi et de tous ceux que l'on voit à
l'écran…