Syngué Sabour -
Pierre de patience

Atiq Rahimi

L'histoire

Quelque part au Moyen Orient, un héros de guerre gît dans le coma ; sa jeune femme à son chevet prie pour le ramener à la vie. La guerre fratricide déchire la ville ; les combattants sont à leur porte.La femme se met à parler à son mari...

Avec

Golshifteh Farahani, Hamidreza Javdan, Hassina Burgan, Massi Mrowat

Sorti

le 20 février 2013

La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Adapter, c'est trahir (un peu)

 

Pierre de patience, c'est d'abord un livre, qui m'avait terrassé, il n'y a pas si longtemps. Le sujet était prodigieusement lourd, et pourtant le traitement sublimait le sujet. Il y avait quelque chose de théâtral qui élevait le récit, qui le rendait universel, on pouvait le transposer dans n'importe quel pays, à partir du moment où il y avait une femme au chevet d'un homme… Les images qu'on se faisait à la lecture étaient très fortes, et un peu sacrées. Comment pouvait-on faire un film avec un tel matériau ?
Le résultat sera vu avec des yeux bien différents, selon que l'on a lu ou pas le roman.
Tout le monde s'accorde à dire que Golshifteh Farahani est un interprète formidable du personnage, elle irradie l'écran par sa beauté, et sa voix est une musique à elle seule. Souvent murmurante, elle ne paraît jamais artificielle, alors que ce qu'elle dit n'est le plus souvent qu'un long monologue, sans réponse possible…
C'est déjà énorme d'avoir trouvé l'actrice, et qu'elle puisse avec sa présence et sa voix, emporter le spectateur, quel qu'il soit.
Le reste prête obligatoirement à contestation, le choix des mots (tout n'y est pas, bien évidemment), la présence parfois envahissante des personnages secondaires, le huis clos pas vraiment respecté (on s'échappe beaucoup du lieu unique, de la maison), l'importance donnée à la révélation finale qui n'est une surprise pour personne, et la fin, justement : celle-ci semblait bien plus ouverte dans le livre, demandant au lecteur une interprétation personnelle.
Il est bien évident qu'une adaptation de roman n'est presque jamais à la hauteur des mots lus, parfois dévorés, surtout lorsque ceux-ci vous ont transporté. Mais ce livre-ci sans doute plus que tout autre.
Il serait intéressant (pour moi, en tous cas) de connaître l'avis d'un spectateur du film n'ayant pas lu l'ouvrage, ou bien ayant fait le chemin inverse (le film, puis le livre…)

 

Vos commentaires pour ce film

Pas lu mais vu… Et si quelqu’un veut m’offrir l’affiche, je suis preneuse !
Comment un auteur peut-il se trahir en réalisant le film du livre qu’il a lui-même écrit ? On est peut être au-delà de la « simple » adaptation à l’écran. Passer des mots à l’image, c’est transposer et montrer à voir autre chose, mais pas autre chose de différent, autre chose en plus. Peut être compléter sa pensée, la préciser, aller au-delà. J’ai envie de dire qu’il peut se le permettre, que lui a le droit, qu’il est légitime puisque ce texte est le sien. Je ne peux m’empêcher de penser que ces images existaient lors de l’écriture, encore incertaines ou déjà très clairement présentes. Mais comment le savoir sans poser la question à l’intéressé lui-même ?
Elle est magnifique l’image, justement. Et l’actrice sublime, d’une beauté orientale éblouissante.
Personnellement, je n’avais pas lu le livre lors de sa sortie, mon histoire à l’époque me l’interdisait, c’était verrouillé. Car à l’inverse de ce que pense Alain, je ne crois pas qu’ « on pouvait le transposer dans n'importe quel pays, à partir du moment où il y avait une femme au chevet d'un homme. » Non. Justement. Quand on est une femme, et qu’on a vécu un peu en Orient, on sait que cela ne peut être transposé dans « n’importe quel pays ». Aujourd’hui, je suis allée voir le film car c’était enfin possible. Je ne peux donc pas comparer le livre et le film. Et si le huis clos n’en est plus tout à fait un, on se sent quand même dans un monde en dehors de la réalité. Un conte moderne qui sublime la difficile condition de peuples en guerre et la souffrance de femmes objets. Si la fin apparaît à notre cinéphile averti comme « trop » explicite, elle n’en reste pas moins très forte, presque vitale. La pierre de patience consommée, la femme se libère. La force acquise par les mots trouvés donne toute sa force au geste final. Au geste fatal.
Certains trouveront sans doute cela moins poétique, moins philosophique, trop vengeur. Vengeur ? Libératoire ! Ce n’est pas en devenant une autre personne qu’elle a changé son mari ou le monde autour d’elle. Pour l’instant en tout cas. Car oui, c’est un très beau film, mais un film qui soulève de biens graves questions…
Est-ce trop prosaïque que la douleur et la colère des unes dépassent l’esthétique des autres ?


Karine Q, le 24 février 2013


Je n'ai pas lu le livre mais je viens de voir le film… Ouah…
Si ce n'est pas à la hauteur des mots comme tu l'écris, alors le bouquin qu'est-ce que ça doit être !
C'est hypnotisant ! Golshifteh Farahani rayonne. Elle n'est pas que belle, elle dégage une impression de douleur et de libération progressive. C'est une actrice incroyable.
Je n'arrive pas à croire qu'une histoire comme celle-ci puisse arriver dans n'importe quel pays comme tu l'écris aussi. C'est quand même très marqué, non ? et c'est d'après un fait divers s'étant passé pas n'importe où… Je n'ai pas envie d'en dire plus pour laisser la surprise au spectateur. C'est un très très beau film sur la puissance de ce qu'on dit face à ce que les autres peuvent faire et pourtant on sort complètement noué sans aucune envie de dire un seul mot.


Lothaire, le 27 février 2013

 

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