C'est un joli film. Une poignée
d'hommes et de femmes de tous âges cueillent des figues, sous
la direction d'un chef, qui se la joue mi-autoritaire, mi-compréhensif,
mais qui n'en cueille pas une, emporte toutes les cagettes de figues
à la fin, et paye (fort peu) les cueilleurs. L'aspect technique
est vite évacué, la perche pour attraper les branches
hautes et les abaisser pour avoir les fruits à portée
de main sans casser de branches, le choix des figues mûres
en évitant les vertes, bien les déposer à plat
sur des feuilles étalées au fond des cagettes…
Non, l'intérêt du film se trouve ailleurs, dans les
échanges (de regards, de mots, de gestes) entre ces garçons
et ces filles qui n'ont probablement pas autant d'occasions de se
côtoyer par ailleurs. Les plus âgés sont un peu
délaissés par la caméra et lorsqu'ils interviennent,
c'est très souvent en réaction à ce que font
ou disent les plus jeunes. Il y a bien peu d'évènements
au cours de cette journée (un, tout de même, qui surprend
et en dit long sur les rapports entre hommes et femmes dans un pays
qui a certes connu une certaine libéralisation des mœurs
avec la Révolution printanière, mais qui reste sur
des schémas traditionnels où les femmes ne sont pas
les égales des hommes), il y a un petit aspect Tchekhov dans
ces discussions entre jeunes ruraux, ceux qui veulent s'émanciper
du carcan familial ou social, ceux qui veulent rester au pays, les
mélancoliques, les bouffeurs de vie, les déçus
et les pleins d'espoir… Ce sont les femmes qui mènent
la danse des sentiments, montrant une belle solidarité malgré
leurs différences. C'est un joli film mais qui peut laisser
des spectateurs sur la touche par manque de connaissances sur la
façon de vivre à la campagne en Tunisie, parce que
le récit manque peut-être d'universalité. Il
y a une belle liberté de jeu, on sent que beaucoup de scènes
sont guidées par l'improvisation mais il y a aussi de la
monotonie, peu d'échappées, tout se passe sous les
arbres qui protègent les personnages et leur permettent de
parler (presque) sans tabous mais qui donnent aussi un aspect formel
un peu oppressant.