Wang Xiaoshuai est, au contraire
de bon nombre de ses pairs, un cinéaste autorisé en
Chine. Mais cela ne l'empêche pas d'avoir un regard critique,
amer, désabusé, sur l'histoire de son pays et son
état actuel. Il passe entre les foudres de la censure et
livre ici une chronique du temps qui passe pour un couple d'ouvriers,
entre les années 80 et notre époque, qui subit de
plein fouet la politique de l'enfant unique. Il choisit d'éclater
la chronologie, et le récit passe allègrement d'une
époque à l'autre. Les transitions sont parfois limpides,
parfois non, et la confusion peut s'installer pour identifier tel
ou tel personnage. Peu à peu, les choses s'éclairent,
bien qu'il reste une interrogation sur l'identité du fils
adopté, il y a débat parmi les spectateurs…
Le réalisateur fait le pari de la fresque en patchwork, large,
longue, parfois grandiose (certaines scènes de groupes sont
magnifiques, ultra prenantes), sans oublier l'intime : les acteurs
font tous preuve de retenue, de justesse, ils composent des personnages
dignes et pourtant pleins de failles. L'Histoire de la Chine, son
évolution économique et sociale, les décisions
politiques influencent de façon dramatique le destin des
personnages mais il y a aussi quelque chose d'universel dans ces
vies brisées avec lesquelles il faut bien composer, les secrets,
la mémoire sélective, la résilience, le pardon,
l'humilité, les regrets, l'amour, la parentalité…
Un film fort, à revoir peut-être une deuxième
fois pour mieux comprendre tout ce qui se joue pendant ces quarante
années.