A vingt-six ans, avoir déjà
son biopic au cinéma, c’est la classe ! ou pas...
Le personnage principal, Mark Zuckerberg, est le créateur du
site Facebook, et le film raconte comment a-t-il créé
ce grand machin qui ne sert à rien… ou presque. Pour
saisir la genèse de la chose, il faudrait sans doute être
féru d’informatique ou au moins ne pas se désintéresser
de l’aspect technique des sites internet et de leur piratage
éventuel. Comme c’est loin d’être le cas
de tous les spectateurs potentiels, cet aspect-là du film risque
de paraître bien obscur pour une grande partie du public (j’en
fais partie). Les dialogues vont très vite, les faits s’enchaînent,
les personnages virevoltent, c’est plutôt brillant mais
malheureusement pas très passionnant. Il semble que David Fincher
soit un peu trop fasciné par le phénomène pour
avoir le recul nécessaire et fabriquer un récit compréhensible
par tous. On sent bien la fièvre, le désir de puissance
de certains, la soif de succès, mais on ne s’attache
absolument pas aux différents protagonistes. Ils sont, tous
autant qu’ils sont, parfaitement égoïstes, têtes
à claques, asociaux, très intelligents sans doute mais
dépourvus d’humanité. Le film les montre tels
quels, et on croit Fincher sur paroles (et sur images aussi). Il ne
cherche pas à en faire des héros magnifiques, il ne
célèbre pas leur gloire. Il se contente d’expliquer
comment tout cela s’est réalisé, comment certains
sont tombés en cours de route, comment d’autres en ont
profité. Le plus gros reproche qu’on puisse faire à
Fincher, c’est son manque de point de vue, l’absence de
réflexion plus large sur ce qui semble être le gage de
la réussite dans notre société individualiste
à outrance. Toutes les inventions des deux siècles derniers
n’ont pas généré que du bonheur, loin s’en
faut, mais bon nombre d’entre elles ont tout de même amélioré
la vie de millions de personnes. Est-ce que Facebook change la vie
des gens ? De quelle façon ? Est-ce devenu indispensable dans
le mode de communication de toute une part de la population mondiale
? Si oui, est-ce là un véritable progrès ? Toutes
ces questions sont soigneusement évitées, le sujet du
film est ailleurs, centré sur le personnage du créateur.
Mais là aussi, très peu de questions. Quelques pistes,
quelques éléments de réponses qui semblent d’ailleurs
tellement futiles et ressemblant à des clichés que le
personnage ne devient ni légendaire, ni crédible. Finalement,
la vraie question au sujet de Facebook, ce n’est pas de savoir
qui l’a inventé (si ce n’avait pas été
Mark Zuckerberg, un autre l’aurait fait à l’identique
ou quelque chose de très approchant), la vraie question c’est
de comprendre pourquoi ça marche, pourquoi des millions de
gens se connectent pour savoir qui couche avec qui, quelle musique
leurs collègues préfèrent et quelle tête
leur voisin peut avoir quand il est bourré… Tout cela
n’est pas exactement passionnant, tout comme le film.