A l'image de la première
scène, un assez long plan séquence dans une voiture,
où l'on voit une partie du visage d'une femme dans le rétroviseur
pendant qu'elle conduit, et qui laisse transparaître beaucoup
de tension contenue, le récit fonctionne par bribes, les
choses se devinent lentement, ça n'est pas un puzzle, mais
un tableau à l'apparence presque abstraite, comme des lambeaux
de feuille de soie que l'on aurait assemblés et qui forment,
in fine, une scène pleine de personnages torturés,
une vérité complexe, sombre, dérangeante. La
mise en scène a du caractère, elle suggère,
éclaire par instants pour revenir dans la pénombre.
Si le personnage central semble être celui de l'avocat, joué
par Daniel Auteuil, ambigu, sûr de lui puis hésitant,
sa femme, dont les traits ont ceux d'Emmanuelle Devos, est bien
la plus intéressante, celle par qui les choses bougent, parfois
impassible, parfois défaite, brisée, d'une beauté
assez renversante. Le film n'expose pas tout, il reste des mystères,
il propose quelques pistes pour saisir les raisons du silence, de
ce qui s'est tu pendant plusieurs décennies, il est en cela
très subtil, n'avançant jamais en ligne droite. Cependant,
le milieu décrit est celui d'une bourgeoisie de province
très aisée, un peu hors sol, qui donne un aspect parfois
irréel à ce qui se passe, glacé, pas désincarné
(Daniel Auteuil et Emmanuelle Devos sont d'une justesse effarante),
mais tellement peu universel que l'on peut suivre le film avec un
recul dommageable.