Silence

Martin Scorsese

L'histoire

XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.

Avec

Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson, Issei Ogata, Yosuke Kubozuka, Yoshi Oida, Shinya Tsukamoto

Sorti

le 8 février 2017


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Japon – Jésus : 1 - 0

 

Scorsese est un grand cinéaste de la violence, de Taxi Driver aux Infiltrés en passant par Gangs of New York ou La dernière tentation du Christ. De la violence partout, dans les images, dans les faits relatés, dans les sentiments.
Dans cette narration d'une quête perdue d'avance, la violence ne vient pas tant des personnages que de ce silence, celui de Dieu. Des hommes croient en un dieu unique et tentent de propager cette croyance, c'est tout à fait compréhensible, nous sommes au dix-septième siècle et il est un peu difficile d'être athée à cette période. Ces hommes, des prêtres jésuites un peu ravagés, s'exposent à tout un tas de misères lorsqu'ils débarquent au Japon où le Christianisme est devenu interdit. Et surtout, ils mettent en danger la population locale minoritaire qui est encore chrétienne. Leur présence et leur obstination sont la cause de répressions sanglantes. Et lorsqu'ils s'adressent à Dieu, rien, silence là-haut. Ça ne m'étonne pas, mais eux, si, un peu. Pour moi, c'est facile, je suis comme l'enfant à qui on a enfin dit que le père Noël n'existait que sur les images. Pour ces hommes-là, c'est plus compliqué.
Scorsese s'empare de leur histoire en faisant un film classique dans sa narration et splendide visuellement parlant : les éclairages, la composition des plans, le soin apporté à la photographie, c'est une succession de tableaux, qu'il s'agisse de scènes intimistes (beaucoup sont censées être éclairées à la bougie) ou de vues larges sur une nature magnifique.
Cette splendeur n'est pas tout, il y a des personnages, un récit et face à ce dernier, pour un spectateur athée, il y a deux options : la première est un intérêt poli, plus historique que moral, qui se mue rapidement en un léger ennui un peu agacé : des scènes d'apostasie (reniement) se succèdent de façon répétitive : tu mets le pied sur une figure de ton dieu, on te laisse la vie sauve, tu refuses, tu ne vas pas faire long feu, et ce n'est pas faute de t'avoir prévenu. Plus subtil, tu refuses parce que tu es prêtre (ça se comprend), on te laisse tranquille (enfin presque, tu restes en prison) et on en tue d'autres devant toi. Et là-haut, le divin est toujours muet. Ce qui donne lieu à des scènes d'intense suspense, mettra-t-il le pied ou ne le mettra-t-il pas ? Le personnage de l'Inquisiteur japonais, à ce titre, est formidable, un vrai méchant pervers au sourire destructeur, un plaisir, au contraire du prêtre joué par Andrew Garfield (rien à voir avec le chat, dommage), qui n'en finit plus de se faire des nœuds au cerveau, ressemble à Jésus et n'a pas une once de charisme (ni d'humour, mais ce n'est pas le sujet). Bref, une histoire de culpabilité, de trahison, de rédemption, très Scorsésienne, mais ça fonctionne tout de même drôlement mieux avec la Mafia italienne à New York.
La deuxième option est un questionnement face à cet entêtement de la part des personnages, qui en rappelle d'autres. L'évangélisation partie d'Europe a fait tant de victimes en son temps qu'elle n'est pas sans évoquer les exactions de l'Etat Islamique (et encore, à côté, DAESH et Cie, c'est de la guerre d'opérette). Les religions monothéistes sont, sans parler de la foi personnelle des croyants qui croient à ce qu'ils veulent, des machines de guerre, des entreprises de conquête pas seulement religieuses, mais idéologiques, politiques, impérialistes. L'histoire racontée dans Silence montre des Japonais qui se défendent comme ils peuvent (et ils le font très bien) de cette invasion beaucoup moins spirituelle qu'il n'y paraît. En Asie, la Nature est au-dessus de tout. En voulant exporter leur dieu unique, vengeur, culpabilisateur et terriblement humain (Dieu est amour, sans doute mais d'un amour vache, parlez-en aux Indiens d'Amérique, par exemple…), les Européens se sont pris parfois des baffes. Pas assez.
Dernier sujet d'agacement : dans Silence, on entend du japonais (très peu), et surtout de l'anglais, qui est utilisé comme si c'était du portugais (les prêtres jésuites sont portugais). Ça ne ressemble pas à de l'Impérialisme, ça ?

 

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