Cette adaptation cinématographique
(après celle de Christian De Metter en BD, très réussie)
du récit de Dennis Lehane est plutôt fidèle, et
on a beau connaître les enjeux, les fausses pistes, les fins
possibles, le film parvient à fasciner. Véritable labyrinthe
mental, le scénario est un rêve de cinéaste, l’occasion
de passer d’une réalité à une autre en
se permettant toutes les audaces visuelles et sonores. Scorsese s’approprie
cette histoire avec énormément de sérieux, ne
cherche pas à en rajouter, et livre une œuvre sombre,
illuminée de l’intérieur, déstabilisante,
formidablement inquiétante, un conte de ma folie pas du tout
ordinaire : les spectateurs appréciant que tout soit bien clair
et qu’au moins, à la fin, les mystères soient
résolus, seront probablement déçus.
Pour la mise en images de cette énigme psychiatrique, il fallait
un décor hors normes, il l’est, certains éléments
font penser aux constructions impossibles d’Eicher et on n’est
effectivement jamais tout à fait sûr de la réalité
des lieux.
Une interprétation parfaite était aussi nécessaire,
avec un choix de comédiens capables de faire sentir l’ambiguïté
de chacun, tout en donnant une impression de distance –après
tout, ce n’est qu’un jeu-, DiCaprio ne remplit pas tout
à fait les conditions, peut être un peu jeune pour le
rôle, n’exprimant pas suffisamment l’incroyable
complexité de l’ensemble des angoisses et des incertitudes
de son personnage. Tous les autres -mais les rôles sont moins
écrasants- semblent plus justes, plus en adéquation
avec le trouble terrifiant qui enrobe tout le film, qui est tout de
même une très belle réussite, à part dans
l’œuvre de Scorsese.