Scorsese filmant les Stones, c’est
a priori une source de plaisir. Mick Jagger et Keith Richards, étonnants
grands-pères du rock, ont des véritables gueules de
cinéma. Les concerts des Rolling Stones sont réputés
pour dégager une énergie considérable et Scorsese
passe pour un grand fan du groupe. Et puis, il y a au final comme
une déception, un manque, comme une impression de propreté,
une élégance qui ne sied guère à l’esprit
rock’n’roll.
L’image numérique est sublime, d’une incroyable
netteté (vu au Max Linder, en projection numérique :
qualité d’image hallucinante !), l’armada de caméras
permet une multiplicité des points de vue, y compris les gros
plans un peu cruels sur les rides, les héros n’ont plus
vingt ans…
Le souci vient probablement de l’inéquation entre ce
qu’est devenu le groupe, et le projet de ce film. Habitués
à jouer dans des stades, sur une scène se situant à
des dizaines de mètres des spectateurs qu’ils ne peuvent
pas distinguer, nos papis sautillants ont l’air un peu gênés
sur cette "petite" scène, déroulant leur musique
sans véritablement établir de connivence avec le public,
mis à part quelques "vous êtes formidables"
que l’on sent inclus dans le forfait.
Le spectacle est de qualité, professionnel, musicalement impeccable,
pas vraiment impressionnant puisque sans débauche d’effets
spéciaux ou d’éclairages tonitruants. Inévitablement,
il y a dans cette précision, cette netteté, cette perfection,
un aspect froid,s ans émotions.
Scorsese a monté ses images comme un admirateur transi, on
ne voit pas une seule trace d’imagination, et le préambule
au concert n’apporte pas grand chose, sorte de lutte d’influence
entre le metteur en scène et les musiciens, à laquelle
on ne croit pas du tout.
Les inconditionnels des Stones seront probablement heureux de voir
leurs idoles d’aussi près, les autres se partageront
entre respect plus ou moins poli et ennui plus ou moins somnolent.