Shéhérazade, celle
des mille et une nuits, raconte une histoire tellement palpitante
que son sultan de mari, décidé à la tuer chaque
soir, suspend son meurtre pour pouvoir écouter la suite le
lendemain.
L'histoire du film, qui se déroule à Marseille, n'aurait
sans doute pas autant happé le sultan, et adieu Shéhérazade.
C'est un récit vieux comme le Monde, avec des mauvais garçons,
des prostituées, des rivalités entre proxénètes,
des amis de toujours qui se déchirent, l'Amour qui peut tout
régler ou bien semer la zizanie… on sait dès
le début que cela tournera mal, et que beaucoup n'en sortiront
pas indemnes. Ce qui fait l'originalité du film, c'est sa
mise en scène, son parti pris documentaire, avec une caméra
très mobile, très proche des comédiens, et
un choix de scènes crues, violentes, qui sonnent juste :
les dialogues semblent la plupart du temps improvisés et
sont parfois très peu audibles, le verbe fuse, les accents
et la gouaille font que l'ambiance arabo-méridionale prend
le pas sur la rigueur scénaristique. C'est donc très
souvent sordide, avec des femmes réduites au rang de marchandises
sexuelles. C'est probablement très réel, mais il y
a comme un doute en sortant de la salle : le film ne serait-il pas
complètement contre-productif en étant vu par un public
jeune et n'ayant pas de recul sur ce qui est montré ? Le
point de vue du réalisateur n'est pas celui d'un juge, fort
bien. Dans les salles remplies de lecteurs du Monde et de Télérama,
c'est sans doute la nausée qui sera la réaction la
plus partagée (et dans quel but ? celui de se donner bonne
conscience ? celui de se révolter vainement ?), mais visionné
en chargement illégal sur un portable par quelques minots
en manque de sensations, pas tout à fait sûr qu'il
n'y ait pas adhésion aux propos sexistes et humiliants.