C'est un jeu de stratégie,
où chacun tente d'avoir raison, ou simplement de survivre.
Il n'y a pas de meurtres, juste une série de vols dans un
collège, des relations ambigües entre professeurs, entre
élèves. Il y a bien une enquête, mais elle n'est
pas policière, il y a des suspects et selon que l'on croit
à la culpabilité de l'un(e) ou de l'autre, l'histoire
est politique, ou sociale, ou psychanalytique. Chaque intervention
d'un personnage modifie et complexifie l'écheveau inextricable
des suppositions, des vérités et des mensonges, comme
un engrenage géant. Certains ont des certitudes, d'autres
n'ont que des doutes et l'on peut se poser la question, à
la toute fin, s'il y en a qui s'en sortent mieux que d'autres. C'est
passionnant parce que l'on suit un unique personnage d'un bout à
l'autre du récit, il n'y a pas de point de vue omnipotent,
le spectateur n'a pas d'avance, il doit se contenter de ce que voit
et entend la professeure, suivie par la caméra en permanence,
traçant une géographie des lieux comme dans Elephant
de Gus Van Sant auquel cette salle des profs fait parfois penser.
C'est exactement le type de film qui fait se poser une multitude
de questions sans apporter beaucoup de réponses, et c'est
tant mieux. Il montre aussi combien il est compliqué de prendre
en compte tous les tenants et les aboutissants des problèmes
qui peuvent surgir dans un établissement scolaire, quel qu'il
soit : chacun croit détenir la vérité, ceux
qui y passent une grande partie de leur vie (les élèves,
les profs, l'administration) comme ceux qui observent et jugent
de loin (les parents). La mise en scène rend compte de tout
cela, le cadre et le montage sont d'une précision chirurgicale,
c'est un film d'une grande intelligence, qui laisse le spectateur
sonné, KO assis dans son fauteuil.