Il y a quelque chose d'un peu
étrange dans le jeu des acteurs, dès le début,
qui empêche de se laisser emporter. Une façon un peu
artificielle de dire les répliques, comme si chacun devait
expliquer très clairement ce qu'il a à dire. Ce n'est
pas du Bresson, ni du Rohmer, c'est encore autre chose, un léger
décalage qui installe une ambiance bizarre.
Et puis, peut-être est-ce l'habitude qui vient peu à
peu, ou bien le décalage qui s'estompe ? Qu'importe, on se
retrouve, sans qu'on ait compris pourquoi, pris par l'histoire et
les personnages qui se posent des questions essentielles sur la
paternité, la filiation, la transmission, l'abandon, l'adoption,
les secrets… Ils sont tous très humains, avec leurs
erreurs, leurs doutes, leurs façons de prendre des décisions
qui paraissent parfois absurdes ou désespérées,
et parfois mûrement réfléchies. L'émotion
vous prend soudain, au détour d'une phrase, d'un regard,
d'un silence. C'est du cinéma qui paraît tout simple,
sans effets, sans stars : les personnages ont une grande proximité,
le récit les suit sur plusieurs années, et ce qui
leur arrive semble très crédible. Au final, on en
sort avec la gorge un peu nouée, alors qu'il n'y a aucun
pathos, aucune musique dramatique, aucun retournement spectaculaire.
Mais le film fait beaucoup de bien.