Après plusieurs films mi-figue
mi-raisin, François Ozon retrouve une certaine audace, en dynamitant
quelques tabous, à commencer bien sûr par celui de l’innocence
enfantine. L’ensemble a quelque chose à voir avec le
registre du fantastique : à partir d’une situation banale,
filmée telle quelle, Ozon plaque un événement
surnaturel, censé modifier les regards et les actes de chacun
des personnages. Sauf que ce qui découle de cette intrusion
de l’impossible dans la vie réelle est filmé toujours
de la même façon, comme un constat froid, et l’influence
des frères Dardenne, revendiquée, est ici tout à
fait prégnante. Mais de cette juxtaposition de l’irréel
sur le quotidien, suinte une impression de malaise qui au bout du
compte, peut ne pas avoir de consistance : certains y verront un film
fantastique à la française, mal foutu, aux effets spéciaux
ratés et qui ne fait même pas peur ; d’autres seront
infiniment troublés par une vision en apparence destructrice
de la famille, de la relation mère-enfant : ils y trouveront
sans doute tout un tas de symboles et de références
plus ou moins psychanalytiques. D’autres encore seront partagés
entre plusieurs sentiments : léger dégoût face
à cette créature pas exactement humaine, étonnement
de s’être laissé prendre par un récit ahurissant,
et une certaine déception, tout de même, de ne pas retrouver
la brillance de la mise en scène de huit femmes ou de swiming
pool…dont le souvenir peut laisser penser que toute cette histoire
de bébé extraordinaire n’est que le fruit de l’imagination
de la petite fille.
C’est une des multiples interprétations de ce film qui
prend le risque, à force d’étrangeté, de
paraître vain.