Il y a trois films en un, qui
se complètent, contrastés dans le propos, pas dans
la forme.
Il y a d'abord une histoire d'affection inattendue, un mariage arrangé
qui aurait pu n'être que du mépris ou de l'incompréhension
mutuelle et qui permet à deux êtres marginaux, exclus,
mal-aimés, de découvrir ce qu'est l'attention à
l'autre, la tendresse, le bonheur de vivre à deux. Cette
histoire apporte de la lumière à l'ensemble, et d'une
certaine façon, est très liée au deuxième
récit, celui de la naissance d'une ferme, menée par
un paysan sans aucun moyen mécanisé. Il y a un aspect
documentaire dans la description minutieuse de la préparation
des sols, des semis, des récoltes d'une part, et de la construction
d'un bâtiment en briques de terre séchée d'autre
part. On a l'impression que rien ne peut naître de ce sol
poussiéreux, et puis, non pas par miracle mais avec un travail
inimaginable, les choses avancent, poussent, s'épanouissent,
tout comme la relation entre les deux personnages principaux.
Et puis, troisième thème du film, l'aspect social
et sociétal, chinois certes, mais qui pourrait se retrouver
ailleurs, en occident par exemple… pas avec les mêmes
traditions, ou les mêmes lois, mais avec la même absurdité,
la même déshumanisation. Le Monde, ici agricole et
chinois, court vers toujours plus de croissance, de capitalisation.
Tout est profit, au détriment de l'Humain. A moins que le
profit ne soit inhérent à l'Humanité. On est
mal barrés.
Tout cela est filmé avec une grande lenteur et beaucoup de
douceur, certes nécessaires au récit (aux récits),
mais qui empêchent parfois d'admirer la beauté toute
simple de la relation naissante ou de la décroissance en
action. Peut-être manque-t-il un soupçon d'emphase
pour que le film décolle et emporte totalement les spectateurs.