Les deux réalisateurs
de ce documentaire n'ont probablement pas su choisir entre toutes
les directions qui s'offraient à eux, et ce n'est pas dommage…
En effet, chacun des thèmes est traité en parallèle
des autres, ce qui donne parfois à l'ensemble un aspect un
peu fouillis, mais si un seul sujet avait éclipsé
tout le reste, la frustration aurait sans doute été
grande. La générosité l'emporte, et le plaisir
est au rendez-vous.
C'est d'abord le portrait en creux d'un chorégraphe, Benjamin
Millepied, dont il n'est pas montré grand chose de sa vie
extra-professionnelle ou de son parcours avant sa nomination à
l'Opéra de Paris, mais beaucoup de sa façon d'être
avec ses danseurs, et on devine un humaniste, un bienveillant, un
de ceux qui encouragent plus qu'ils ne sermonnent… ses enthousiasmes
pour un danseur, pour le résultat d'un travail, sont largement
communicatifs, c'est un homme qui fait du bien à ceux qui
l'entourent, à ceux qu'il entoure, et aussi à ceux
qui l'observent, par écran interposé…
C'est aussi la description en pointillés de la création
d'une œuvre. Ici, un ballet, qui part de presque rien, juste
une musique, l'envie du chorégraphe d'en montrer les sentiments
qu'elle lui inspire et le choix de ce même chorégraphe
de travailler avec des danseurs cantonnés au second plan
et non pas avec des étoiles habituées aux premiers
rôles. L'évolution des différentes séquences
du ballet est palpable, parfois un peu floue, mais l'impression
de comprendre comment le spectacle se monte peu à peu est
très prégnante.
Dans le même temps, il y a presque un aspect thriller à
ce montage artistique : les obstacles techniques, médicaux
pour certains danseurs, temporels (les différents acteurs
de la création sont aussi occupés par ailleurs), ne
sont pas occultés, c'est une course contre la montre, contre
les pesanteurs administratives et en filigrane, le spectateur ressent
la lourdeur de l'institution, tout ce qui a fait que Benjamin Millepied,
quelques mois plus tard, a présenté sa démission
de son poste de directeur de la danse. Trop de hiérarchies,
pas assez de souplesse, l'artiste ne pouvait effectivement pas s'épanouir…
Il y a aussi tous les danseurs auxquels on s'attache, qui certes
se ressemblent lors de la présentation finale du spectacle,
parce que les coiffures, les costumes et le maquillage ont tendance
à gommer les différences, mais qui lors des répétitions,
lors du travail, montrent leurs personnalités, et pas seulement
artistiques. Et puis la beauté des mouvements, des corps
en mouvement, de la danse, définitivement objet de cinéma.
Un documentaire aux multiples entrées, qui ravit les sens
et réveille l'essence même de la création. Un
vrai bonheur…