Hors du temps, irréel,
frais jusqu’à flirter avec l’inconsistance, le
récit du réparateur de vélos qui ne sait pas
en faire (un peu comme un pâtissier qui serait allergique
au sucre) fait finalement un bien fou. Les personnages, imaginés
par Sempé, ont bien plus de profondeur et de complexité
que ce que peut laisser augurer l’aspect léger et désuet
du contexte, un village en forme de cliché, d’image
d’Épinal, une campagne sans paysans et sans accents...
Mais les caractères et les sentiments des uns et des autres
sont bien réels, sans doute parce que ce Raoul Taburin sort
tout droit des souvenirs de Sempé, lorsqu’enfant, son
père était livreur à bicyclette. Il y est décrit
une fort belle relation père fils pleine de silences et de
questions sans réponses, des espoirs et désillusions,
des joies simples et des chagrins tortueux, l’amitié
a elle aussi ses secrets, ses trahisons, ses effarements. Sous la
couche du vernis poétique et un peu trop joli, se cache ainsi
beaucoup d’humanité. La réalisation de Pierre
Godeau rend compte de tout cela, très fidèle à
l’esprit, ne cherchant pas à faire plus d’effets
qu’il n’en faut, les acteurs font de la dentelle, rien
de novateur mais tout est très juste et la bienveillance
de Suzanne Clément est un petit bonheur...