Quelques heures de printemps **

Stéphane Brizé

L'histoire

A 48 ans, Alain Evrard est obligé de retourner habiter chez sa mère. Cohabitation forcée qui fait ressurgir toute la violence de leur relation passée. Il découvre alors que sa mère est condamnée par la maladie.

Avec

Vincent Lindon, Hélène Vincent, Emmanuelle Seigner, Olivier Perrier

Sorti

le 19 septembre 2012

La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

La vie des mots

 

Ce qui se joue autour des objets dans les films de Stéphane Brizé est de l'ordre de l'intime et de l'indicible, voire de l'invisible, mais révèle le talent d'observation du cinéaste et la puissance des détails dans sa mise en scène. Dans "Je ne suis pas là pour être aimé", ce qui se passait avec juste une horloge de four et une radio était assez étonnant et parvenait à éclairer le personnage joué par Chesnais. Dans ces quelques heures de printemps, une simple cafetière électrique apporte la preuve de l'amour qu'une mère porte à son fils, parce que la parole ne fait pas partie de leur relation, ou alors elle ne jaillit que pour blesser. Les mots, par leur acuité vibrante ou leur absence criante ou bien encore par leur apparente banalité, prennent une terrible importance dans toutes les relations décrites ici. D'abord à cause des silences, nombreux, lourds, profonds, où chaque regard a son importance. Les mots lorsqu'ils surgissent, prennent alors un éclat particulier : les proches, très proches, évitent presque toujours de parler d'amour ou même de tendresse entre eux. Pour exprimer leur affection, il y a les objets (la cafetière électrique…) et la chienne qui dans le film, reçoit plus de caresses que n'importe quel personnage…
Si au contraire, il y a matière à reproche ou ressentiment, les mots fusent, éclatent, transpercent et font un mal terrible. Enfin, lorsqu'il s'agit de dire les choses de la vie, d'exprimer sa pensée, de justifier ses choix, la parole est échangée avec un tiers, ce sont les médecins, les responsables d'association, les travailleurs sociaux qui reçoivent les confidences ou les discours les plus sincères.
Ces silences, ces regards, ces échanges quand on ne s'y attend pas, font le sel de ce film, magnifiquement éclairé, contemplatif, d'une lenteur qui peut exaspérer. Certains regretteront le manque d'action ou d'évènements. Ce serait comme reprocher à la mer d'être trop plate. Il s'en passe tellement, en dessous… Il s'agit probablement du film le plus sombre, le plus radical de Stéphane Brizé. Celui aussi qui paraît le plus maîtrisé, le plus calculé au point de vue du rythme, du récit, et pourtant c'est également le plus émouvant, bien aidé par deux acteurs en état de grâce. Hélène Vincent, bien loin de Madame LeQuesnoy, est incroyablement digne, d'une simplicité magnifique. Et Vincent Lindon… film après film, il se pose en monument, en monstre sacré. Il peut tout jouer, il est toujours juste et parvient à remuer les tripes de n'importe quel spectateur, et cela sans aucun effet. Enorme.

 

Vos commentaires pour ce film

Même les silences parlent, mais certaines scènes méritent un minimum de dialogues. Alain (Vincent Lindon) est un grand acteur, authentique dans son rôle de fils paumé, (Yvette) Hélène Vincent vieille petite souris grise très bien, un grand bravo à Clémence (Emmanuelle Seigner) qui arrive à alléger l'atmosphère.
Évitez si vous êtes en vrac.

Dominique P, le 3 octobre 2012

 

Bouleversé par ce film. Complètement retourné, en larmes pendant 1 heure ; Ca faisait quand même un moment que je n’avais lâché prise à ce point au cinéma. Et pas dans le fou rire, c’est sûr …
L’émotion est constante, dans les regards, dans les silences, dans l’incapacité de cette mère et de ce fils à se parler, et, en se parlant, à comprendre leur trajectoire, leur vie , à accepter ce qu’ils sont et à continuer à vivre, au mieux ..
Et pourtant, les absents sont omniprésents, … le père, l’enfance, l’amour, la tendresse, le désir même (une scène bouleversante avec un voisin qui essaye de rompre cet iceberg de non-dits), .. ils sont là, pas loin, mais ils sont muselés et ne s’expriment que par des actes manqués, par des pulsions de violence, par des transferts (le chien, la cafetière …), …
Cette confrontation entre la pulsion de vie et la chape de plomb du non dit et du renoncement est terrifiante, traitée admirablement par les deux acteurs et par une multitude de scènes incroyables de réalisme et de froideur : les repas, la télé, le puzzle, le ménage !! (surtout que tout soit propre !) et ironie du sort, ce boulot de « tri » qu’Alain est contraint de faire
Seule la mort a le pouvoir de retisser un lien, le faire sauter les verrous, … alors elle est sollicitée la mort, comme ultime solution : la maladie qu’ Yvette laisse s’installer, la démarche de suicide assisté, la mort du chien aussi , seule trait d’union possible …
Des moments qui m’ont fait penser à ce film avec Signoret et Gabin, « le chat » je crois, …

Thierry D., le 8 octobre 2012

 

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