Le chef d’œuvre de Taniguchi
transposé à l’écran, en l’adaptant
pour que l’action ne se passe plus au Japon, mais en France,
était-ce une si bonne idée que cela ?
Le postulat de départ, qu’il faut accepter pour plonger
dans le récit, est digne d’une histoire fantastique aux
limites du ridicule : un homme se retrouve projeté dans son
adolescence, en conservant toute sa conscience d’homme adulte…
Dans la bande dessinée, le passage se faisait en douceur, avec
une poésie légère, comme si c’était
naturel. Le dessin, le découpage, le texte "off",
tout était intelligent, on pouvait y croire juste ce qu’il
fallait pour adhérer à ce qui allait prolonger ce saut
dans le temps. Il n’est pas question d’une aventure scientifique
rigolote, comme dans "Retour vers le futur", c’est
simplement une rêverie profondément réelle, comme
sait si bien le faire Taniguchi qui, au bout du compte, ne donne pas
de clés pour expliquer ce qui s’est passé, songe,
illumination, voyage dans le temps…
Dans cette adaptation, un des rares mérites est d’avoir
gardé cette absence d’explication. Mais la reconstitution
des années 60 semble avoir monopolisé toute l’énergie
du réalisateur. Les deux parties (avant, puis après
son saut dans le temps) où l’on voit le héros
adulte (Pascal Greggory, qui a l’air de se demander ce qu’il
fait là) n’ont pas de consistance, presque pas de réalité,
on y sent un mystère décalé, tout le monde joue
un peu faux, les images sont froides et tristes, on ne comprend pas
vraiment pourquoi. La projection dans le passé réchauffe
l’atmosphère, mais tout est beaucoup trop joli, soigné,
alors que dans le même temps, il n’y a pas l’émerveillement
ressenti par le héros dans la BD… L’histoire dans
le film respecte le récit original, même si les adaptateurs
ont été obligés de simplifier, de raccourcir
ou de supprimer certains passages.
Une fois de plus, le passage BD cinéma s’accompagne d’une
perte de ce quelque chose d’indéfinissable inhérent
au 9ème art, toute la part d’imaginaire que le lecteur
doit activer, presque de façon inconsciente, pour recréer
les images manquantes (tout ce qu’il y a entre les cases, et
le hors-cadre). Il faut sans doute, pour que cette perte soit compensée
par ce que le cinéma peut apporter, une grande richesse visuelle
ou une créativité sans bornes de la part du réalisateur.
Ici, on en est loin…