Lorsque le propre frère
de la victime d'un bizutage à Saint-Cyr ayant mal tourné
décide de faire un film de cette histoire sinistre, on peut
s'attendre à une attaque en règle de l'armée,
cette institution secrète qui a sa propre justice, sa façon
bien à elle de traiter ses problèmes internes. Le
réalisateur fait du frère de la victime le personnage
principal, c'est à dire lui-même : on peut alors imaginer
que celui-ci soit exemplaire, digne, déchiré…
Tout pourrait donc être attendu, balisé, une enquête
implacable sur une affaire scandaleuse ayant débouché
sur de simples condamnations avec sursis. Mais le récit prend
des chemins de traverse, en plaçant au premier plan la relation
fraternelle, au détriment de l'instruction et du procès
(celui-ci n'est pas montré). En faisant ce choix, Rachid
Hami pose de multiples questions sur la famille, l'exil, l'engagement,
le rapport à la spiritualité, les choix de vie et
les valeurs opposées au sein d'une fratrie. Le reste, c'est
à dire les différentes positions des membres de l'armée
qui cherchent à étouffer les fautes des uns et des
autres, l'opacité et le caractère intouchable de la
grande muette, tout cela est évoqué, bien sûr,
avec sérieux et dignité, sans concessions, mais il
ne s'agit pas d'un film à charge, d'un dossier accusateur.
L'ensemble est à la fois nuancé, intelligent dans
son questionnement, et un peu terne, en manque d'énergie,
presque un peu trop propre.
