On pourra toujours, à l’issue de la projection, se poser
tout un tas de questions sur cette histoire : est-elle subversive,
prône-t-elle la désobéissance civique ? Lorsqu’on
décide de se battre, faut-il en passer par la violence, ou
bien peut-on se contenter des mots, des actions en justice ? L’individualisme
est-il un atout pour aller au bout de sa volonté, les autres
sont-ils des obstacles, à éviter ou à éliminer
?
Le film n’est pas toujours moral, mais il n’est pas non
plus politiquement totalement incorrect : ainsi, les victimes collatérales
de cette fuite en avant ne sont que des méchants, le sentiment
de remord s’en trouve pratiquement exclu.
Et puis, une fois les questions posées, on peut les balayer
négligemment, sans même prendre la peine d’y répondre
: l’intérêt du film est ailleurs que dans ces interrogations
plus ou moins spirituelles. À partir du moment où le
héros (ordinaire, mais héros tout de même) décide
de faire évader sa femme, la tension va crescendo, et les bâtons
mis dans les roues de la cavale annoncée, même s’ils
sont parfois un peu gros et qu’on les voit venir de très
loin, ont le mérite de maintenir cette tension, de la relancer,
de l’amplifier. Vincent Lindon, les mâchoires serrées,
un bloc de détermination, personnifie à merveille cette
mise en transe progressive.
Bien sûr, on pourra regretter que le réalisateur n’ait
pas tiré encore plus fort la corde, en allant jusqu’à
l’abstraction, jusqu’à donner à cette incroyable
quête un aspect psychique, qui aurait fait du héros une
sorte de névrosé au bord de l’absurde. Mais on
ne fera pas la fine bouche, le film a un rythme terrible, et malgré
l’impression d’oppression que l’on peut avoir, c’est
un plaisir d’ordre primaire qui domine.
(vu en avant-première)