Grand film maudit, ayant précipité
la chute des producteurs (United Artists), parce que très
mal reçu par les critiques et par le public. Dépassement
de budget record, et bide au box office. Et puis, par la suite,
le (très) long métrage est devenu culte, considéré
par certains comme une œuvre parmi les plus importantes du
cinéma américain. Comme quoi, il ne faut jamais désespérer...
Le film a bientôt quarante ans, cela se sent si l’on
s’arrête aux quelques effets spéciaux (oups,
le bateau de la dernière séquence...), à quelques
raccords hasardeux, au jeu un peu stéréotypé
de l’acteur principal. Mais quel souffle ! quelle énergie
dans les scènes de groupes, plus épiques que naturalistes,
plus symboliques que réalistes... la première séquence,
celle des étudiants fêtant leurs fins d’étude,
est un chef d’œuvre à l’intérieur
du film, kubrickienne, avec un rythme fou, des ruptures géniales,
des mouvements de foules virtuoses. A voir et à revoir, pour
s’en délecter.
La suite, qui dure près de trois heures, a ses hauts et ses
bas, et parmi les scènes les plus enthousiasmantes, celles
qui mettent en jeu les groupes, en mouvement, chorégraphiques,
avec des flopées de figurants formidablement impliqués,
comme toutes celles qui se passent dans la salle de bal et de réunion
et qui porte le nom du film, la fête en patins à roulettes,
hallucinante, la réunion des citoyens de la ville mettant
face à face les riches et les pauvres, impressionnante...
c’est la joie ou la fureur, Cimino orchestre un opéra
tragique, et ses chœurs sont tout à fait dingues, étirés
à l’extrême, grandiloquents, sublimes... le souci
vient des solistes, ce qui se passe entre les personnages principaux
a de quoi aussi passionner, mais le réalisateur ne trouve
pas la même énergie que dans les scènes de groupes,
l’intime a parfois un peu de mal à passer, Huppert
toute jeune est à la fois drôle et touchante et Christopher
Walken a de l’ambiguïté à revendre, beaucoup
de nuances, mais Kris Kristofferson est monolithique, trop prévisible.
Il n’empêche, cette porte du paradis a quelque chose
de très singulier, d’une grande créativité,
et d’une actualité troublante. Ces pionniers venus
de l’Europe de l’Est et très mal reçus
par ceux qui sont là depuis un tout petit peu plus longtemps,
ce sont les migrants, les mal-aimés, les indésirables,
les sacrifiés sur l’autel de l’opulence. L’Histoire
se répète avec ses guerres et ses massacres, tout
va bien, les humains sont formidables...