Le cinéma roumain n’en
finit plus de livre un constat terriblement amer de l’évolution
de la société occidentale. Pas celle des nantis, pas
celle, illusoire et cache-misère, des stars de "Sex and
the city" ou des comédies, si brillantes soient-elles,
mettant en scène des jeunes et belles personnes marchant vers
l’avenir le cœur léger…
Non, les cinéastes roumains s’intéressent aux
"gens d’en bas". Pas forcément les miséreux,
pas ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, mais ceux
qui vivent simplement, ceux qui pouvaient se considérer il
y a encore une vingtaine d’années comme des personnes
sans inquiétudes financières, et qui voient maintenant
le train de l’aisance passer devant eux, glissant sur les rails
des crises financières à répétition, le
train du capitalisme triomphant –mais pas pour tout le monde,
loin de là-.
Les films roumains se ressemblent, apportant un regard lucide, parfois
drôle parce que sans concessions mais au fond, d’une rageuse
tristesse. Bien sûr, ils parlent de la société
roumaine, de son histoire, de sa rapide transformation, mais au delà,
ce sont tous les pays dits développés qui en prennent
pour leur grade.
Dans ce "Policier, adjectif", la description du quotidien
d’un jeune policier pourrait concerner n’importe quel
fonctionnaire chargé d’enquêtes de n’importe
quel pays européen, mettant en lumière le manque de
moyens, le poids de la hiérarchie, l’aberration des lois
inadaptées… La conscience de chacun est ici mise à
l’épreuve, et finalement réduite à néant
face à la lourdeur administrative et au respect des statuts.
Porumboiu reprend à son compte ce qui caractérise ce
cinéma roumain (qui commence à essaimer en Europe),
des longs plans séquences rendant compte de l’ennui,
une absence de pathos et un certain refus des scènes émouvantes,
des dialogues sentant le quotidien mais en réalité très
écrits et sublimant l’absurde des situations. Ici, ces
partis pris ne fonctionnent pas toujours, l’ennui frôle
le néant, et malgré certaines scènes formidables
(l’emploi du dictionnaire par le chef de la police est un régal),
beaucoup de séquences tournent à vide et n’apportent
que peu de sens. Sans doute trop long, manquant finalement de pertinence,
le film n’est pas aussi réussi que le précédent
du même réalisateur, l’excellent "12
h 08 à l’est de Bucarest".