L’histoire n’a pratiquement pas d’intérêt,
juste un prétexte pour jouer avec les codes, ceux de la comédie
musicale et du film d’espionnage, en tordant le cou aux clichés
sur les personnages : les agents secrets sont à peine concernés
par leur enquête, les apprentis chanteurs plus préoccupés
par leur corps que par leur voix, et pourtant la musique est le véritable
décor du film. Même lorsqu’ils ne chantent pas,
les timbres des acteurs sonnent comme des instruments, à l’image
de leurs personnages. La voix aigrelette, le débit rapide,
Lorànt Deutsch s’apparente à une petite flûte,
un peu énervant, précis, rattrapant les errances des
autres mais assez largement dépassé par la douce exubérance
de ses partenaires. Balibar, dans le très aigu ou le très
grave, comme un piano parfois désaccordé, parfois sublime,
primesautier ou pathétique, jamais vraiment dans la mesure,
campe une sorte de veuve joyeuse, fausse idiote, une exaltée
légère, déjantée en profondeur…
Et Marina Foïs, ah, Marina… Définitivement débarrassée
de ses pitreries télévisuelles, voix traînante,
toute en sensualité naturellement (au contraire de Balibar,
qui semble la jouer constamment), l’émotion toujours
en filigrane, même au cœur des dialogues délirants,
Marina Foïs est un violoncelle, troublante et drôle, agent
secret en quête de maternité et négligeant donc
son enquête. Son premier cours de chant, en gros plan, est une
véritable petite merveille.
Bien sûr, tout cela n’a absolument rien de vraisemblable,
mais l’ensemble est réjouissant, terriblement entraînant,
parfois proche des limites du ridicule (et Julien Baumgartner, en
sur-jouant le jeune homme très beau et très tourmenté,
les franchit allègrement…) toujours surprenant, contrasté,
dérangeant, artistiquement incorrect : on sent que le réalisateur
n’a pas été bridé par un producteur soucieux
de vendre le film pour un prime-time télévisuel.
Petit bonheur !