L'étrangeté vous
prend à la gorge, et ne vous lâche plus… Antonio
Banderas a des airs de héros sorti d'un film d'Hitchcock, faussement
détendu (mais alors, vraiment faussement, si on ose dire),
décidé, charmeur sans le savoir… Tout le début,
à grand renfort d'images de laboratoire, de seringues, de gouttes
de sang, a un petit goût de déjà-vu, et pour un
film du maître espagnol, c'est étrange, non ?
Ensuite, l'histoire se déroule comme dans un tunnel de train
fantôme, on tremble pour de faux, tout vibre autour de nous,
les personnages ont tous l'air de cacher quelque chose, la lumière
est étrange, la musique est étrange, on se croirait
parfois dans un remake des "yeux sans visage"… Même
le rythme du récit donne du mystère, on le sent nerveux,
comme pressé d'aller au bout et pourtant il y a une certaine
lenteur… Toutes ces étrangetés devraient fasciner,
emporter le spectateur. Mais on ne retrouve pas l'explosion de couleurs,
le tourbillon des sentiments, les extravagances propres à Almodovar.
C'est étrange, mais froid, parfois glacial. La mise en scène
est d'une rigueur implacable, certaines scènes sont à
la limite de l'insoutenable, mais tout semble à distance, comme
si le réalisateur ne croyait pas suffisamment à son
histoire.
De plus, aucun des personnages n'attire la compassion, tous sont des
victimes et bourreaux à la fois… Leurs folies (névroses
ou psychoses, c'est selon) ont une sorte d'invraisemblance, on ne
s'identifie à aucun d'eux.
Il reste la beauté de certains plans, un sentiment d'étrangeté
constante et la maestria de la mise en scène qui font de cette
œuvre une sorte de monstre froid.