Lily est folle mais pas simple
d’esprit. Sa sœur Clara est sérieuse mais pas rigide.
Tout les sépare et bien sûr le film raconte comment elles
se rapprochent, d’abord par obligation ou par devoir pour la
sœur sage, puis par amour d’une certaine manière.
Et puis Lily l’originale a la sagesse des fous, avec une lucidité
(sur les errements des "normaux") qui dérange, qui
bouscule. Elle semble vampiriser sa sœur mais si on interprète
la situation d’une façon un peu différente, elle
l’ouvre aussi à la réalité de ses sentiments
car, malgré tous les artifices dont elle s’entoure, Lily
va au plus profond, touche là où ça fait mal
; elle est terriblement fragile et inadaptée à une société
formatée et castratrice mais c’est elle qui parvient
à faire évoluer sa sœur qui pourtant paraît
dans un premier temps tout à fait dans le moule et heureuse
d’y être.
Cette histoire d’une relation à la fois destructrice,
lumineuse et à l’orée d’une renaissance,
est racontée par petites touches, drôles, émouvantes
et parfois plus sombres, la mélancolie n’étant
jamais très loin.
Ludivine Sagnier, dans la peau d’un personnage ressemblant à
d’autres qu’on lui a déjà fait jouer, surprend
peu, mais elle est toujours juste, n’en faisant pas trop, à
la lisière de la folie, ne cherchant pas la performance en
restant dans le registre d’une sensibilité à fleur
de peau. Mais celle qui étonne vraiment, c’est Diane
Kruger, qu’on n’avait jamais vue aussi impliquée,
dans un rôle pas facile, en équilibre instable entre
la raison, l’exaspération, le découragement d’une
part et, d’un autre côté, l’attachement,
la compassion, l’immensité de la vie délestée
des poids qui l’empêchent de vivre ses sentiments réels.
Peut-être la morale est-elle un peu simpliste, peut-être
le fait d’abandonner ses talons aiguilles pour marcher "pieds
nus sur les limaces" n’est pas suffisant pour trouver le
bonheur, peut-être l’histoire esquive les raisons profondes
pour lesquelles on n’accepte pas ceux qui sont différents,
peut-être tout cela est finalement un peu trop joli pour être
vrai, peut-être… mais on en sort enrichi d’avoir
côtoyé ces deux sœurs-là.