Lecteurs de la première
heure de la bande dessinée de Pascal Rabaté, restez
chez vous, il n’y a rien à voir de plus. Ah si, tiens,
une scène, pas mal d’ailleurs : Emile est invité
à un thé dansant et devient le point de mire de dizaines
de femmes esseulées… En dehors de cette invention par
rapport au scénario du livre, il n’y a presque aucun
changement, les cadres sont identiques, les dialogues à peine
modifiés, les personnages sont tous là, les peintures
aussi, la voiturette idem…
La bande dessinée avait une poésie unique, par l’assemblage
des cases, par ses couleurs, par sa façon pudique et sincère
d’aborder un thème délicat. Elle parvenait à
émouvoir et chacun s’y retrouvait, quel que soit son
âge.
Le film montre toutes les limites et prouve une fois de plus que le
cinéma et la bande dessinée, malgré leurs similitudes,
sont deux arts bien distincts. Dans une image de BD, il y en a mille
autres, que le lecteur s’invente ; c’est, comme disait
un théoricien qui avait tout compris, "l’art de
l’invisible". Tout le contexte spatial et temporel est
à deviner, à imaginer. Lire une BD n’est pas toujours
facile…
Dans une séquence de cinéma, toutes les images sont
là et l’imaginaire est réduit au minimum. Du coup,
la poésie s’envole, disparaît, les couleurs sont
fixées, les voix deviennent parfois un peu vulgaires, tirant
l’ensemble vers une comédie un peu convenue. On regrette
que Rabaté n’ait pas choisi de faire autre chose qu’une
simple mise en images réelles d’un récit qui se
suffisait à lui seul. Le thème pouvait donner naissance
à une autre histoire, en reprenant les mêmes personnages,
et en imaginant une suite ou une variante.
Là, on se demande ce qu’a voulu prouver Rabaté,
de toutes façons c’est (un peu) raté.