Il y a deux films en un seul.
D'abord la chronique d'une enfance très libre, celle d'un
garçon et de sa sœur au Burundi tout à côté
du Rwanda, filmée à hauteur d'enfant, avec beaucoup
de spontanéité, les bêtises, les petites folies,
les moments de tendresse partagés en famille, l'inquiétude
de voir les parents s'engueuler, la musique omniprésente
et puis l'incompréhension face aux tensions politiques grandissantes
avec l'impression que celles-ci n'auront pas de conséquences
sur leurs vies.
Puis, en parallèle et de plus en plus présent, le
récit du basculement d'un pays dans l'horreur, la démocratie
bafouée, les vengeances qui se succèdent, la violence
qui gangrène tous les rapports humains, la guerre, le génocide.
Ces deux aspects, liberté de l'enfance et tragédie
politique, s'entremêlent et se télescopent. La douceur
de vivre est soudain mise en pièces par l'irruption de la
violence, mais il arrive aussi qu'au cœur de la tension, l'énergie
enfantine joyeuse et frondeuse résiste, plus forte que tout…
Les enfants comédiens sont formidables, très naturels,
drôles, fiers, vivants. Jean-Paul Rouve a une vraie présence,
il prend de l'épaisseur de film en film et devient un acteur
de plus en plus intéressant. Isabelle Kabano, qui joue la
mère, est un peu moins crédible, elle est parfois
à côté de son rôle, semblant réciter
son texte.
Le film est marquant, ne cherche pas à adoucir les choses,
n'est sans doute pas à mettre devant des yeux d'enfant. Il
n'a pas la prétention de raconter cette guerre, il ne prend
pas partie pour les Tutsi ou les Hutu, c'est juste la chronique
d'une enfance brisée, comme tant d'autres dans un monde absurde.