D’où viennent-elles,
ces larmes qui coulent, cette émotion soudaine ? A l’écran,
rien d’emphatique, pas de pathos, une mise en scène à
hauteur humaine, sans effets… Pourquoi ces visages s’éclairent-ils,
pourquoi ces dialogues qui pourraient paraître plats sont-ils
à ce point bouleversants ? Qu’est-ce qui fait de Pauline
et de François de véritables personnages de cinéma
malgré leur proximité, leur vie qui pourrait être
la nôtre, la vôtre, celle de tout un chacun ? C’est
un cinéma qui tire sa force de la fragilité des êtres
qu’il dépeint, qui ne juge pas, ne pose pas de regard
définitif sur les attitudes, les décisions, les paroles
des uns et des autres. Le réalisateur, dont c’est le
premier long-métrage (chapeau ! quelle maîtrise !), semble
avoir un grand respect pour ses personnages, quels qu’ils soient.
Et ceux que l’on croyait lourds ont soudain une grâce
d’oiseau, celle que l’on pensait bienveillante se révèle
capable de destruction, tous ont une part de mystère, d’indécision,
comme dans la vraie vie : peut-être les émotions incontrôlables
du spectateur viennent-elles de là, de cette sincérité,
de la capacité du metteur en scène d’avoir su
capter autant les instants magiques ou terribles de l’existence
que ceux où l’on pense qu’il ne se passe rien,
alors que la vie n’est faite que de cette alternance…
Mais il n’y aurait que cette vérité sociale et
sentimentale, le film n’aurait pas ce charme si particulier,
qui persiste au-delà de la fin de la projection. Renaud Fely
n’oublie pas non plus d’en faire un objet de fascination
: le choix de ses deux comédiens principaux n’est pas
anodin : Yannick Renier et Laura Smet captent la lumière, ils
sont beaux, très beaux, sans belles robes ou beaux costumes
(quoique…), sans artifices, naturellement. On n’avait
encore jamais vu la fille de Nathalie Baye aussi émouvante
et simple à la fois. En plus de l’attraction palpable
qu’exercent les acteurs, il y a quelques gouttes de poésie
pure, des scènes contemplatives, la vision de la nature, forêt,
rivière, douces collines, n’est pas spectaculaire mais
parvient à faire ressentir une sérénité
surprenante.
L’histoire est celle d’une double renaissance, et même
si les rouages du récit peuvent paraître parfois un peu
trop écrits, un peu trop démonstratifs, on a le cœur
empli (lourd et aérien à la fois) de la lente construction
de ce qu’on peut appeler un bonheur de vie. Bien que les ténèbres
soient souvent plus émouvantes dans nos expériences
artistiques, cette aurore chaude, automnale, tendre, fait un bien
fou…