Attention à l'accoutumance,
au cri étrange répété jusqu'à
satiété, dans les jours qui suivent la vision de ce
film étonnant...
Se croiser dans un escalier un peu étroit, et empêcher
l'autre de passer... Palerme ! Franchir une porte et se retrouver
en face de l'autre, à nouveau faire barrage, le regarder
droit dans les yeux... Palerme ! Et le mieux, au volant d'une voiture
italienne (de préférence), emprunter une ruelle sans
vraiment savoir s'il s'agit d'un sens unique ou non... Palerme !
C'est l'histoire d'une folie, qui rencontre une autre folie. Les
deux se toisent, s'opposent, s'emparent l'une de l'autre pour gagner
en puissance. Folie douce ou furieuse, dévastatrice ou jouissive,
qu'importe. Certains y verront une auto destruction (et, éventuellement
une destruction d'auto), d'autres une volonté farouche et
radicale de ne pas céder, de toutes façons quelque
chose qui ressemble à une suspension du temps dans laquelle
deux femmes s'engouffrent parce qu'elles en ont besoin, l'une et
l'autre. Pas pour les mêmes raisons : l'une est déjà
détachée du monde et cet affrontement mutique est
une façon de tirer sa révérence, définitivement;
l'autre est en lisière, en colère mais elle fait encore
partie des vivants, de ceux et celles qui sont capables de raisonner,
prête à basculer, déjà en déséquilibre
mais pouvant, sans le savoir, se rattraper. Ce duel tragi-comique
est formidable parce qu'il entraine tout un monde autour de lui.
Tous ceux qui sont là, à commenter, à prendre
partie, à supplier, à se battre ou à désespérer,
tous, au fond d'eux-mêmes, admirent la volonté des
deux femmes. Aucun d'eux ne pense à prendre leur place pour
reculer, pour désamorcer la situation. Ils sentent que le
combat silencieux, sans coups ni injures, ne pourra s'apaiser que
de l'intérieur, que par la volonté de l'une des deux,
et ils jouissent de cette tension pourtant insupportable.
Au matin (et que ceux qui n'ont pas vu le film et souhaitent
un jour le visionner ne lisent pas ces lignes-là), au moment
du dénouement tragique, le lieu de l'affrontement paraît
autre, la ruelle étroite qui les empêchait de passer
est en fait aussi large qu'une avenue, et tout ce qui précède
devient alors insensé, absurde, dérisoire, un gâchis
effroyable.
Ce qui au départ semble être une simple comédie
de l'entêtement se révèle au final une tragédie
fatale, une allégorie de la folie des Hommes... Palerme !