Orly

S’il vous est déjà arrivé dans un lieu public (ici c’est un aéroport, mais ce pourrait être un musée, un jardin public, une gare…) d’imaginer ce que cachent les gens derrière leurs visages fermés, ou de refaire leur vie juste en surprenant un morceau de conversation, des regards échangés… alors ce film est pour vous, comme un cadeau pour la part de rêve de votre esprit. La réalisatrice a posé ses caméras dans les aérogares d’Orly sans bien sûr les vider de leurs occupants. Les acteurs évoluent au milieu de la douce cohue (comme un ballet impalpable), du brouhaha continuel (comme une musique lancinante), la caméra les cherche parfois, les figurants malgré eux passent dans le champ et certains sont si beaux ou étranges que l’on croit parfois qu’ils sont là pour jouer, mais non, ils passent, peut-être quelques-uns se retrouveront avec surprise sur le grand écran ?
Les acteurs, eux, jouent des histoires banales, ici une rencontre comme un prélude, un mélange d’étonnement et de danger à être séduit(e) ; là un échange entre une mère et son fils où tout paraît glisser et puis comme souvent au hasard des mots l’essentiel est révélé ; plus loin un couple "lost in translation" qui donne lieu à une traversée de foule en parallèle à quelques mètres l’un de l’autre, sur une musique de Cat Power (le seul instant ou la foule se tait) : une scène magique, splendide, longue, très longue mais qu’on ne voudrait jamais voir finir, un peu due à la chance, et beaucoup à la mise en scène qui mise sur une confiance inébranlable en la poésie des humains qui se croisent sans se voir et puis tout soudain comme un éclair doux il se passe quelque chose, un presque rien, un effleurement des regards et le monde en est changé…
C’est un film magnifique mais que ne se livre pas d’un coup, il n’est pas confortable, il faut parfois aller chercher soi-même la beauté dissimulée dans ces images larges, sereines malgré l’agitation, envoûtantes si l’on veut bien se laisser faire…

La chanson de Cat Power, Remember me...