A quoi ça tient, le bonheur
au cinéma ? Ce premier film d'un acteur venu de l'univers
de la télé fait un bien fou, et pourtant, il accumulait
quelques tares, qui ressemblaient fort à de fausses bonnes
idées : raconter la vie de ses parents sous forme d'un hommage
appuyé (attention la forte dose de bons sentiments…),
faire tout jouer en français, alors que la moitié
du récit se passe en Iran (Même le Shah parle français…
et les parents de la mère de Kheiron, iraniens bien sûrs,
sont joués par Gérard Darmon et Zabou Breitman !),
mêler la destinée familiale aux évènements
historiques qui ont secoué l'Iran dans les années
70 et 80 (danger de raccourcis simplistes…).
Kheiron se joue de tous les écueils avec un bonheur incroyable
(la chance du débutant ?), apportant de la dérision
aux moments les plus tragiques, osant tout et même parfois
une certaine emphase, en forme de vraie déclaration d'amour
à ses parents. La narration, fluide et directe, est menée
avec un rythme formidable, tuant tout ennui, tout en apportant de
la complexité : les personnages ne sont pas des blocs sans
évolution, ils ont tous des faiblesses et des forces, des
agacements et des raisons d'agacer, des fulgurances, et pour certains
d'entre eux, un courage héroïque : oui, c'est du cinéma
populaire avec des héros qui font rêver. On s'en moque,
de savoir si tout ce qui est raconté est vrai (et pourtant,
il semble que tout l'est, du gâteau du Shah refusé
et des années de prison qui s'ensuivent jusqu'à l'investissement
social dans la ville de banlieue parisienne qui les a accueillis),
la façon de montrer les faits est incroyablement drôle
et émouvante. L'apparente légèreté repose
sur des sentiments très forts, et l'on peut se dire en sortant
du cinéma tout un tas de choses sur la nécessité
de faire partie de la vie de la Cité (en votant, par exemple,
ça n'est pas si compliqué : quelque soit la médiocrité
des candidats, ne vous abstenez pas, bordel !), sur l'apport formidable
que représentent les étrangers dans un pays (et donc,
ne votez pas n'importe quoi, hein…), sur ce que peut faire
un film sur le moral (une place pour ce film : bien moins cher qu'une
boîte d'antidépresseurs, et sûrement plus efficace),
sur la vitalité créative des Iraniens malgré
tout ce qu'ils endurent, sur la famille qui peut être une
chance, une aide à l'envol.
Ce film n'est certes pas un monument du cinéma, mais c'est
un vrai bonheur. Courrez-y !