Revenir dans sa ville natale
quittée à l'âge de quinze ans, après
quarante ans d'absence, ça n'est pas banal, ni anodin. Lorsque
cette ville est Naples, superbe cité décrépie
aux mains de la Camorra, lorsque le revenant a vécu une jeunesse
mouvementée, que son meilleur ami d'alors est devenu une
personne fort peu recommandable, que sa mère n'attend que
lui depuis des années, le récit de ce retour pourrait
tourner au mélodrame, à la tragédie, au film
de mafieux repenti ou pas… Nostalgia a son propre
chemin narratif, sans doute prévisible quant à son
issue, mais non dénué de surprises tout au long de
son déroulement. Il lorgne bien plus du côté
de la contemplation, de la mélancolie nostalgique, et malgré
tout d'une espérance un peu folle, que des retournements
de situation, des affrontements sanglants ou des déchirements
du cœur. C'est un film lumineux si l'on s'en tient à
ses personnages, avec la mère au bord du vide mais dont le
regard sur son fils est tellement immense, un prêtre improbable
qui ressemble à un parrain, d'une énergie phénoménale,
et bien sûr l'homme qui revient pour tout redécouvrir
et qui voit sa ville avec des yeux d'enfant. Mais c'est aussi une
œuvre porteuse de désespoir, d'obscurité, de
mystères insondables. Il y a peut-être quelques maladresses
dans les flashbacks (des reconstitutions qui s'apparentent à
des clichés, au contraire de la vision contemporaine de la
ville), une certaine lenteur dans la façon de raconter la
quête du personnage principal qui pourrait engendrer un léger
ennui, mais l'ensemble est puissant, imposant, avec suffisamment
de délicatesse pour échapper à une trop grande
pesanteur.