Comment faire du neuf avec du vieux
?
Marina De Van, en reprenant le thème éternel du secret
de famille, lui donne un sacré coup de jeune, au risque de
perdre le côté émotionnel du sujet. Il y a beaucoup
de densité dans ce film, riche en images, presque trop : les
ingénieurs en morphing engagés pour les effets spéciaux
ont été bien rentabilisés ! Avec ce trop-plein
de technicité, on perd un peu de crédibilité,
et on peut avoir du mal à s’approprier les personnages.
Mais si l’on prend tout cela pour un jeu, une sorte de prouesse
autant scénaristique que technique, le film peut se révéler
assez jouissif, avec une bonne dose de mystère, à peu
près résolu en fin de course, mais pas complètement.
On a du mal à s’amuser à se faire peur, en s’imaginant
tel ce personnage de femme sentant que tout se transforme autour d’elle
sans que personne ne s’en rende compte : on a du mal parce qu’il
n’y a pas assez de prises avec la réalité, au
contraire d’un autre film français qui reposait sensiblement
sur le même point de départ : la moustache, avec Vincent
Lindon et Emmanuelle Devos.
Ici, la référence affichée est celle de Lynch
(on aperçoit, brièvement, une affiche de l’un
de ses films), avec ses fausses vérités, ses images
trompeuses, ses héroïnes pas tout à fait réelles.
On est assez loin de la maîtrise du metteur en scène
de Mulholland Drive, mais il y a bien une sorte de vertige, une fascination,
quelque chose qui ne peut se voir et être ressenti qu’au
cinéma.
Les solutions données aux mystères sont sans doute un
peu décevantes, elles paraîtront très explicatives
et de ce fait tuant le mystère pour certains, et resteront
trop évasives pour d’autres. Il n’empêche
que l’ensemble du film tient en haleine, on est captivé,
et malgré pas mal de réserves, cela ressemble à
une réussite.