Ah, Monsieur Guédiguian,
votre Estaque, votre troupe d'acteurs, Darroussin, Ascaride, Meylan…
c'est devenu un petit bonheur de retrouver tout cela, avec les mêmes
plaisirs et aussi les mêmes agacements : cette façon
de jouer un peu plat, ces instants de crispation, un aspect figé
dans les scènes de groupe, des cadrages de série télé
française… Mais au bout du compte, les émotions
sont bien là, on ressort avec autant de questions sur l'histoire,
ses tenants et ses aboutissants, que de sources de contentement. De
ces neiges lointaines et si proches, chacun en retiendra ce qui le
touche au plus près, ou ce qui lui a semblé le plus
juste dans l'observation. Pour les uns, ce sera l'aspect social, la
déliquescence du lien et des valeurs, la perte des illusions,
la résistance malgré tout, la fierté d'être
encore debout face à la crise. Pour d'autres, ce seront les
amitiés ou les relations familiales, décrites minutieusement,
sans concessions. Et puis, au cœur de tout cela, sur cette base
sociale, humaine, pétrie de bons sentiments (oui, et alors
?), il y a l'histoire de ce couple, joué par Ascaride et Darroussin,
intimement touchante. La dernière scène, même
si on l'attend, même si elle semble facile, même si on
peut voir voler les anges au-dessus, et qui chantent que le monde
est beau, même si tout cela, cette dernière scène
est bouleversante, sur les liens tissés, l'amour qui ne passe
pas, la confiance réciproque, les surprises qu'on est encore
capable de se faire après tant d'années.
Monsieur Guédiguian, ne changez rien, on vous aime comme cela,
malgré les agacements, la naïveté et l'absence
de créativité formelle. On vous aime pour les sentiments,
la fidélité, l'impression de sérénité
dans la tempête que vos histoires racontent.