Comédie ? "Feel-good
movie" ? Petit film qui rend heureux ? La promotion et les
critiques sont unanimes et vont presque toutes dans le même
sens, le dernier film d'Alexander Payne ferait un bien fou…
Désolé, ça n'est pas tout à fait ça.
Si l'issue, pas exactement attendue, en tous cas pas de cette façon-là
précisément, est effectivement émouvante et
parvient à allier un humour décapant et une certaine
idée du bonheur, même éphémère,
l'ensemble du film, sur la vieillesse et ses ravages, ne donne pas
beaucoup d'espoirs sur la fin de vie. Sur ce plan-là, c'est
une vraie réussite. Le portrait d'un vieil homme qui ne comprend
plus le monde qui l'entoure, qui décline à vue d'œil,
qui ne parvient plus à communiquer, ce portrait-là
est formidablement juste, et terrible. Ses deux fils et sa femme
encore alerte (au moins par la parole, une vraie langue de vipère)
l'observent, atterrés et désemparés, se rapprocher
de la mort, perdant ses repères, finissant par tourner en
rond avec quelques pauvres obsessions.
Par ailleurs, on peut dire de l'univers familial et social décrit
ici qu'il est typiquement américain, il n'est pas seulement
cela, il a malheureusement quelque chose d'universel (au moins dans
les sociétés occidentales), avec le repli sur soi,
les familles plus enfer qu'abri protecteur, la crise économique
rampante qui abrutit les gens. On peut s'esclaffer devant une assemblée
pitoyable face à la sainte-télé (image saisissante),
on peut aussi en pleurer et hurler de terreur.
Au bout du compte, c'est bien le manque de communication entre les
gens, au sein d'une même famille, ou parmi ceux qui se disent
amis, qui fait le plus peur. Comédie peut-être, mais
d'une amertume qui pèse lourdement. Tous les acteurs sont
à l'unisson de cette pesanteur, Bruce Dern en premier, formidable
en vieil homme au bout du rouleau. Il n'a pas volé son prix
d'interprétation à Cannes…