Le père est roi sur son
île, la mère, reine encore belle, lui obéit,
jusqu'à un certain point. Leur fille, frémissante
de sensualité naturelle, à l'aube de l'âge adulte,
observe les visiteurs de l'île, les amis de son père
et les autres. Elle voudrait partir, s'oppose à son père,
séduit sans rien faire un homme qui pourrait être son
père. Elle est fascinée par les murènes qu'elle
chasse, elle serait capable, comme elles, de se ronger les chairs
pour échapper au piège dans lequel elle tombe. Tout
est réuni pour une tragédie grecque… le scénario
pourrait être d'Euripide ou Eschyle. Sauf que nous sommes
bien au vingt-et-unième siècle, l'île est croate
et les personnages parlent parfois anglais. C'est un premier film,
et pourtant la réalisatrice étale une maîtrise
étonnante, tout est subtil (sauf, peut-être le personnage
du père, un peu chargé), ambigu et trouble. Aucune
relation n'est parfaitement claire. La fille déteste et respecte
son père, la mère voudrait que sa fille soit plus
sage et pourtant l'admire, la fille aimerait séduire le visiteur
et qu'il soit son père… De multiples questions viennent
au cours du récit sur le passé des personnages, peu
de réponses sont apportées et c'est tant mieux, l'histoire
n'en a que plus d'épaisseur et d'intérêt. Une
histoire d'émancipation, mais pas seulement. Les différences
sociales viennent s'en mêler et s'emmêler, gangrènent
et complexifient les rapports. Gracija Filipovic inonde l'écran
de sa vitalité, de sa grâce sans se départir
d'une certaine dureté. Film de passions et passionnant, Murina
a tout d'un grand film, à voir sans attendre !