On ne peut pas reprocher à
Aronofsky de faire un cinéma tiède. Ses images, l'organisation
de ses récits, ses outrances : tout est signé, caractérisé.
Peut-être cela est-il parfois attendu, répétitif,
d'un violence gratuite, mais jamais tiède. Aronofsky est
un auteur, et en tant que tel, il suscite l'admiration des uns,
le rejet des autres. Ici, dans cette histoire clairement d'inspiration
biblique (il s'agit de la création de la Terre, ni plus ni
moins), il choisit d'installer ses personnages dans un univers de
thriller un peu irréel, froid, qui n'est pas sans rappeler
celui créé par Amenábar dans Les
autres. La mise en scène, rigoureuse, épouse
un unique point de vue, celui de la femme, jouée par Jennifer
Lawrence : la caméra ne la quitte jamais, privilégiant
les gros plans et les grands angles, mouvante, inquisitrice, parvenant
à rendre compte de l'inquiétude du personnage, de
sa fragilité comme de sa toute puissance… puis le récit
glisse progressivement dans un cauchemar impressionnant, d'une grande
violence à la fois physique et morale. Ce basculement sanglant
sert le propos mais il peut être difficile à supporter,
choquant, voire traumatisant.
Au final, on est assez heureux de revenir à l'air libre à
l'issue de la projection, de retour dans le monde réel. Cette
vision volontairement effrayante et pessimiste de la création
de la Terre et de sa destruction inéluctable par l'Homme
(quoique, Dieu lui aussi est responsable, selon Aronofsky) est tout
de même bien lourde. Inventive, mais lourde.