Après "The Host",
qui mettait en scène une famille passablement déjantée
aux prises avec un monstre, Joon-ho Bong réduit la cellule
familiale à un duo mère fils, aux relations troubles
et particulièrement déséquilibrantes. Le fils
est un simple d’esprit, ayant quelques éclairs de lucidité
douloureuse, englué dans de fausses certitudes, doté
d’un raisonnement proche du néant. Ce fils est malgré
tout adoré par sa mère, toute puissante, castratrice,
un cauchemar de mère tel qu’Almodovar n’oserait
même pas l’imaginer…
Sur ce duo s’accumulent les ennuis, dus à quelques fréquentations
douteuses et activités pas très légales, jusqu’à
ce qu’un cadavre de jeune fille soit découvert et que
l’on accuse le fils. Comme le meurtre n’est pas montré,
le spectateur peut tout imaginer, sauf s’il est habitué
à ce genre de fausses énigmes : la solution risque d’être
prématurément éventée…
Le scénario est donc honorable, mais pas génial ; tout
l’intérêt du film réside dans sa mise en
scène, privilégiant une ambiance glauque à souhait,
sombre jusqu’au malaise, même si tout cela s’apparente
à une sorte de jeu morbide et immoral. Les deux personnages
sont repoussants, et pourtant l’ensemble est prenant, parfois
fascinant, avec une caméra presque toujours mobile (scène
d’ouverture sur la "danse" de la mère dans
le pré incroyablement gonflée : cette femme est tout
sauf attirante, attifée de façon inimaginable, la démarche
est mal assurée, cahotante, les mouvements de caméra
en rajoutent dans l’aspect déstructuré de la séquence,
et pourtant le spectateur est happé, stupéfait).
Moins spectaculaire et flamboyant que "the Host", cette
"mother" confirme, s’il en était besoin, tout
le talent de ce metteur en scène, à l’humour d’un
noir d’encre.