Les ombres de Scorsese et de
Coppola planent…
Dans une Amérique du début des années 80, voilà
une histoire pas fondamentalement intéressante mais qui révèle
une multitude de choses sur la société d'alors, les
luttes de pouvoir, la corruption et le lent glissement d'un ordre
régi par la violence vers une autre sorte d'équilibre,
où l'économie et la politique brisent les faibles
dans une douceur apparente, sans coups de feu, ou presque. Le personnage
principal est passionnant, autant que les gangsters du Parrain ou
des Infiltrés, alors que son unique commerce est celui du
pétrole, et ses armes, la parole, la volonté, le travail…
Pas de trafic de drogue, pas de flics corrompus, pas de vendetta,
même si l'on sent qu'ils rôdent, pas très loin…
JC Chandor, en refusant de jouer avec les clichés inhérents
à la réussite d'un immigré dans l'Amérique
du vingtième siècle, montre comment les tenants du
pouvoir peuvent s'appuyer sur des règles économiques
ou sur la façon de les contourner, de les esquiver, en toute
légalité, ou presque : il suffit d'être bien
entouré, et de sacrifier sur l'autel de la réussite
ceux qui ne sont plus utiles.
La façon de filmer et de construire le récit s'apparente
au savoir faire des monstres de cinéma que sont Martin Scorsese
ou Francis Ford Coppola, avec une maîtrise classique du rythme
et du suspense, un scénario qui mêle l'histoire familiale
à l'évolution de la société, des acteurs
formidablement bien dirigés, le tout assemblé avec
une rigueur impressionnante. Pas exactement un film fragile, au
contraire. Une sorte de thriller mental froid, lourd, puissant.
