Il y a des petits films qui vous imprègnent durablement, dont
les personnages ou l’histoire (et parfois les deux) ont une
certaine grandeur, et qui par leur proximité, leur simplicité,
leur naturel, donnent à l’ensemble une dimension universelle,
de l’ordre de la tragédie quotidienne, de la comédie
de la vie.
Moscow Belgium, dont le titre français est probablement un
clin d’œil à Paris Texas, a la modestie propre aux
"petits", et le parfum des grandes œuvres.
Le personnage de Matty vit en Belgique, dans un quartier populaire
sans être "sensible", mais l’histoire pourrait
aussi bien se dérouler dans n’importe quel pays d’Europe.
Ce qui lui arrive est, somme toute, relativement banal, sa façon
de réagir aux événements et aux émois
du cœur paraît extrêmement naturelle, sincère,
intégrant les incongruités propres à la vraie
vie.
Mais cette universalité pourrait être ennuyeuse (après
tout, on vient aussi au cinéma pour se changer les idées,
pas pour voir sa vie ou presque) si la mise en scène, sous
un abord très modeste, ne donnait à l’ensemble
une dimension plus spectaculaire qu’il n’y paraît,
au sens basique du terme : la caméra, très mobile, fait
entrer le spectateur au cœur des échanges, tout en parvenant
à se faire oublier ; le montage alterne des scènes de
comédie formidablement rythmées, aux dialogues percutants,
drôles, incisifs, avec aussi des instants creux, contemplatifs
mais essentiels. Quand les rapports humains se tendent, lorsque le
propos devient pus grave, il n’y a aucune perte d’énergie,
et l’humour est toujours là, en filigrane.
Côté interprétation, l’actrice principale,
Barbara Sarafian, est tout simplement géniale, inventant sans
cesse, jouant tous les sentiments avec ici un demi-sourire (le changement
d’expression dans l’ascenseur est un petit bonheur), là
une réplique vacharde lancée à froid, plus loin
un regard qui vous laisse à terre, en petits morceaux... Auréolée
d’une crinière blonde, elle est tour à tour revêche,
attendrissante, ménagère aigrie, amoureuse extravagante…
Elle est entourée de seconds rôles un peu plus convenus,
mais l’adolescente trop mûre, les deux hommes adolescents
attardés, la collègue de boulot confidente, tous sont
là pour la mettre en valeur, et ils y parviennent fort bien.
Au final, on ne peut pas dire que c’est un grand film, mais
cet ovni belge entre dans la catégorie des petits bijoux, dont
la vision vous donne un supplément d’âme, un espoir
de vie meilleure, une chaleur, là, au niveau du cœur…